Le Cameroun vit un moment rare avec la guerre ouverte que se livrent Samuel Eto’o, le président de la Fédération camerounaise de football, et Narcisse Mouelle Kombi, le ministre des Sports. Alors que ce dernier avait annoncé, mardi, la désignation de Marc Brys comme sélectionneur des Lions indomptables, l’icône avait tout simplement refusé cet état de fait en annonçant ne pas reconnaître le Belge, jeudi. Il se basait sur ses prérogatives nées d’un décret de 2014, et disait n’avoir pas été associé à la nomination du technicien belge, méconnu du grand public et dont les performances sportives laissent à désirer.
Mouelle Kombi a répondu vendredi arguant d’un autre texte de 2015 et en rappelant surtout que tout avait été validé par Paul Biya, le président de la République, ce qui équivaut à ratification. Qui oserait s’opposer au chef de l’État au pays ?
Débâcle à la CAN et salaires exorbitants selon le MINSEP
L’intronisation de Brys intervient dans la “mise en œuvre urgente d’un certain nombre de mesures correctives et adéquates” suite “résultats relativement médiocres (…) et plus particulièrement avec la débâcle” de l’équipe nationale à la CAN 2023, rétorque le ministre. Ce dernier fait d’ailleurs savoir que, contrairement aux accusations de n’avoir pas consulté la Fécafoot en amont, l’instance a bel et bien été incluse dans le processus, tout en précisant qu’elle s’est décrédibilisée en plébiscitant des candidatures dont les prétentions étaient très éloignées des capacités financières de l’État.
« Dans ce contexte, un groupe de travail ministériel constitué de personnalités à l’expertise avérée, a été mis en place à l’effet d’enregistrer, d’analyser et d’évaluer méthodiquement et rationnellement l’ensemble des candidatures. Une trentaine de candidatures ont été reçues au MINSEP, parmi lesquelles trois transmises, en toute connaissance de cause et de la procédure, par vos soins à travers la lettre n°030/FECAFOOT/PDT/DIRCAB/ACP/24 du 12 mars 2024. Toutes ces candidatures ont été examinées dans la transparence et l’objectivité, sur la base d’une grille de notation et de critères d’évaluation rigoureusement définis », peut-on lire.
Se voulant le plus transparent possible, Koumbi Mouelle a expliqué avoir reçu une trentaine de candidatures et dévoilé le processus de sélection au bout duquel Brys a été retenu. “Après examen de l’ensemble des dossiers, une première liste de huit (08) candidats les mieux notés, a été dégagée. Le groupe de travail a ensuite procédé à l’audition par visio-conférence de cinq (05) prétendants effectivement disponibles. Au terme de ces auditions, le classement final des trois candidats correspondant le mieux aux données qualificatives et au profil recherché, a été établi.”
Puis de revendiquer, en qualité de gouvernant, la compétence du choix du sélectionneur. “Aussi bien, en vertu de l’alinéa 2 de l’article 9, l’Etat étant celui qui paye les membres de l’encadrement technique, il est tout à fait normal, comme cela a toujours été le cas, qu’il ait la latitude, sous la tutelle du Ministère des Sports et de l’Education Physique (qui signe l’acte juridique d’engagement) de recruter, de désigner et d’affecter des encadreurs auprès des Lions Indomptables, dont la gestion est concédée par le Gouvernement à la FECAFOOT.”
La longue lettre de 3 pages adressée directement à Eto’o s’accompagnait d’explications sur le mode de désignation et une critique franche des idées de recrutement de l’ancien du Barça, notamment sur les salaires réclamés par ses choix pour succéder à Rigobert Song. Brys devrait logiquement arriver vers le 10 avril.
Menace de sanctions du Cameroun par la FIFA
Eto’o ne va pas accepter cette situation sans combattre mais le terrain politique pourrait s’avérer très large pour lui. Comment réagir ? Pas simple à savoir. En tout cas, il rumine sa réplique. Peut-il abandonner son poste ? Ce serait une immense surprise de le voir démissionner quand on connaît le personnage, pas du genre à céder sauf s’il était évidemment fortement poussé vers la sortie.
Sa marge de manœuvre reste très faible dans ce bras de fer, d’autant que du côté de la CAF, on compte rendre un jugement sur les enquêtes, dont il a été attaqué par des dirigeants camerounais pour des affaires de corruption qui le concernent. Et l’un des vice-présidents de la CAF n’est autre que Seidou Mbombo Njoya, l’ancien président de la Fédération camerounaise battu par Eto’o en décembre 2021. Du côté des instances, la star n’a pas, non plus, que des amis.
Ce samedi 6 avril 2024, la FECAFOOT vient de publier un communiqué officiel en urgence, à la suite d’une session ordinaire d’urgence convoquée par Samuel Eto’o. Dans le document, l’on apprend que le Comité exécutif a donné mandat à la FECAFOOT de proposer des nominations de membres du staff technique des Lions Indomptables. Un autre épisode, qui pourrait conduire à une situation déjà conflictuelle, à une normalisation pour ingérence de l’Etat, aspect très regardé par l’instance mondiale la FIFA ,et même accoucher d’une querelle sans fin entre les deux entités sportives, qui doivent pourtant travailler main dans la main.