24 août 2016. Le conseil d’administration du port autonome de Douala (PAD) choisit un nouveau directeur général pour présider aux destinées de cette entreprise portuaire. Un décret du président de la République confirme le choix de porter Cyrus Ngo’o à la tête de la principale plateforme du commerce extérieur du Cameroun. La feuille de route qui lui est assignée est plutôt ambitieuse : rénover, moderniser et développer le port de Douala-Bonabéri afin de le hisser au niveau des standards et des exigences reconnus dans le secteur portuaire.
Beaucoup ne vendent pas alors chère la peau de ce haut fonctionnaire que le grand public découvre. Pourtant cet administrateur civil principal que l’on dit efficace et perspicace, est aussi titulaire d’un MBA en administration des affaires obtenu en 2004 à l’université de Québec à Montréal (UQAM) et, surtout, conseil du Premier ministre sur les questions relatives au suivi et à la mise en œuvre des politiques publiques dans les transports, les postes et télécommunications, l’industrie, les mines, l’énergie, l’eau, le développement technologique, l’habitat, les domaines, le développement urbain, les travaux publics, le cadastre ou encore les affaires foncières et portuaires.
Pour mériter la confiance placée en lui, Cyrus Ngo’o va immédiatement prendre à bras le corps sa mission, parfois dans un environnement hostile. Il place son management sous le signe de la nouvelle dynamique. Concept que ce fonctionnaire chevronné se fait fort d’expliquer : « Le secteur portuaire, comme d’ailleurs d’autres, est en pleine évolution. Il faut, bon an mal an, s’adapter aux évolutions que nous impose un monde en perpétuel mouvement. Les grandes entreprises, ici comme ailleurs ont, de par leur taille, une tendance à se bureaucratiser. Elles sont considérées comme des organisations qui par nature résistent au changement. Le statu quo est une stratégie qui conduit inexorablement au déclin. D’où l’importance d’insuffler une nouvelle dynamique. Celle-ci résulte de la combinaison de deux processus fondamentaux. L’élaboration d’une stratégie et la volonté de tout changer. La nouvelle vision apparaît, en réaction à des événements exogènes. Il faut qu’elle se stabilise afin d’être réalisée, au moins partiellement, à travers l’action du processus de changement. C’est ce plateau qui, dans le processus d’élaboration d’une stratégie, permet la compatibilité avec le processus de changement. Celui qui élabore la stratégie est un visionnaire. Il faut donc avoir une vision pour impulser le changement. Maintenant, l’innovation est une invite à se renouveler. C’est en elle que réside la force d’une grande entreprise. Donc loin d’être des termes creux, ce sont des principes de management ». Le cap est ainsi fixé, dès la genèse. Avec l’art et la patience des pédagogues.
Méthodiquement et avec détermination, ne doutant point qu’il allait finir par convaincre jusqu’aux plus sceptiques, les immobilistes et les pessimistes, Cyrus Ngo’o va réussir à imposer son style de management, fait de consultations, d’écoute, de sensibilisation, de partage de connaissances, de pédagogie, de patience et d’abnégation. Il implémente à Bonanjo de nouveaux paradigmes de management portuaire qui déroutent les sceptiques et prennent à contre-pied ceux qui lui prédisent un échec retentissant, tant le PAD traine la réputation d’être une entreprise « compliquée et complexe » où le directeur général doit absolument se mouler aux habitudes installées par « les cadres maison », s’il veut bénéficier d’un long bail tranquille.
Pour asseoir sa vision et impulser le changement, ce manager courageux va partir d’une base solidement assise sur une conviction : « Changer une organisation nécessite de réviser une ou plusieurs règles. Autrement dit, d’introduire une rupture qui va déclencher et orienter le processus de changement. L’orientation dépend de l’intensité de la rupture. Faisant partie du processus d’élaboration d’une stratégie qui obéit aux lois de la pensée, la rupture permet d’éliminer les oppositions, de passer outre les règles et donc de forger une nouvelle représentation : ce qui était impossible devient possible ». Cyrus Ngo’o instaure une culture de la transparence dès les premières heures de sa prise de fonction. Pour lui, l’information doit être totalement partagée. Il n’y a rien à cacher. Tout le monde doit être au même niveau d’information. L’intensification des échanges permet d’optimiser la valeur potentielle de chaque projet, et de briser des barrières.
Des travaux de rénovation, de modernisation et de développement des infrastructures et superstructures sont engagés. Dans ce registre, il y a la simplification de la nomenclature tarifaire, la dématérialisation des procédures et des formalités liées au traitement des navires et des marchandises, la normalisation et la réglementation des activités des auxiliaires des professions portuaires (acconnage, consignation), la normalisation du régime des amodiations, la réduction des délais de séjour à quai des navires, et l’institutionnalisation du pesage systématique des marchandises, la reprise de l’exploitation de plusieurs pans d’activité portuaire (terminal à conteneurs, dragage, remorquage, sécurisation). Les fruits ne tardent pas à être visibles et perceptibles. La régie du terminal à conteneurs produit des résultats remarquables. La Régie du dragage fait de petites merveilles à moindre coût. L’enlèvement des épaves laisse entrevoir de belles perspectives. Les plans d’eau du PAD retrouvent leur navigabilité. Comme jamais auparavant, le port est sécurisé. A l’intérieur et à l’extérieur, des voies d’accès et les superstructures sont construites, le port est illuminé, les chiffres sont en augmentation. Il n’est pas jusqu’aux plus sceptiques d’août 2016, qui font le constat des bienfaits de cette dynamique qui transforme, transporte, transfigure un PAD devenu une entreprise à fort potentiel.