Décédé le 13 octobre dernier en Turquie à 87 ans, le milliardaire Alhadji Mohamadou Abbo Ousmanou aura eu droit à des obsèques officielles hier Jeudi. À l’occasion de la cérémonie d’obsèques, le Ministre d’État Jacques Fame Ndongo, représentant personnel du Président de la République Paul Biya, a adressé à la famille un message de réconfort du chef de l’État à la famille éplorée. En guise d’hommage et de reconnaissance, le président de la République a élevé El Hadj Mohamadou Abbo Ousmanou, à titre posthume, à la dignité de Grand Cordon du Mérite Camerounais. Cette décoration à titre posthume marque la reconnaissance de la Nation camerounaise à El Hadj Mohamadou Abbo Ousmanou.
Alhadji Abbo était l’un des hommes d’affaires les plus riches du Cameroun. Membre du bureau politique du RDPC, Mohamadou Abbo est la 8e personnalité décédée sur les 23 que compte le cercle décisionnel du parti de Paul Biya.
Très affaibli par la maladie ces dernières années, Alhadji Abbo ne quittait presque plus son immense résidence dans la ville de Ngaoundéré où il passait d’habitude le plus clair de son temps.
Alhadji Abbo était considéré comme l’une des personnalités les plus fortunées du Cameroun. Son histoire est celle d’un self-made man, né en 1936 à Ngaoundéré, qui s’est lancé très tôt dans le commerce après s’être, un moment, intéressé au transport comme convoyeur. Il deviendra par la suite propriétaire d’un car de transport.
L’homme se fera connaître des années plus tard en devenant promoteur de Maïscam, une agro-industrie de production du maïs et ses dérivées. Avec 10 000 tonnes de gritz de maïs vendus chaque année, Maïscam est jusqu’à ce jour l’un des principaux fournisseurs locaux de la Société anonyme des boissons du Cameroun (SABC).
Alhadji Abbo avait également diversifié son portefeuille d’entreprises en étant à la tête d’un important cheptel. Son ranch très connu dans la région de l’Adamaoua comptait des dizaines de milliers de têtes. Alhadji Abbo, c’était aussi l’import-export, une société sucrière, le commerce général, le tourisme à travers son hôtel Le Relais Saint-Hubert.
Très respecté dans la région, Mohamadou Abbo Ousmanou était aussi devenu l’un des membres du Bureau politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir. Cette instance du parti présidentiel, qui assiste le président national dans la gestion du parti. Par ailleurs, en étant nommé chef de la délégation permanente du RDPC pour l’Adamaoua, il était de fait le patron de ce parti dans la région. Alhadji Abbo avait aussi acquis la réputation d’être l’un des plus grands financiers du RDPC.
Un homme d’affaires polyvalent
Pendant plusieurs décennies il a fait la fierté du Cameroun avec le groupe Abbo 100% camerounais. Celui-ci est actif dans la meunerie, avec la Société camerounaise des moulins du centre (SCMC) et la Société camerounaise de transformation de céréales (SCTC), dans le sucre, avec les Nouvelles Sucrières du Cameroun (Nosuca), le sel, avec la Cameroon Salt Company (CSC), le maïs, avec Maïserie du Cameroun (Maïscam), la sacherie, avec Cameroon Packing Company (CPC), et même l’hôtellerie.
Difficultés financières
Aujourd’hui, la plupart de ces usines sont à l’arrêt, Maïscam dotée d’un capital de 3,9 milliards est pratiquement la seule entreprise du groupe en forme. À titre illustratif, en 2019, elle a produit 10 000 tonnes de gritz de maïs. Une production qui a entièrement été rachetée par la société anonyme des Brasseries du Cameroun (SABC).
À l’origine de cette chute, l’on évoque la dette bancaire. A titre d’exemple, selon une annonce légale publiée le 24 juin 2022, le tribunal de grande instance du Wouri, statuant en matière commerciale, a ordonné, depuis le 16 décembre 2021, un jugement portant mise en liquidation judiciaire des biens de la société Cameroon Packing Company (CPC).
Dans une enquête menée en février 2019, Jeune Afrique faisait état de plus de 15 milliards de Fcfa de dettes contractées par le groupe Abbo auprès des banques. « SCMC est endettée à hauteur de 11 milliards de F CFA (16,8 millions d’euros), notamment envers des banques pour près de 8 milliards dont Société générale, et envers ses fournisseurs (particulièrement les négociants en blé européens Cerealis et Ifaco Grain) pour 2,8 milliards de F CFA. CPC et CSC sont respectivement endettées à hauteur de 1,9 milliard et 2,3 milliards de F CFA, toutes deux en majeure partie vis-à-vis d’Afriland First Bank (respectivement 880 millions et 1,9 milliard de F CFA) », pouvait-on y lire.