L’inauguration de la porte des tranchées présidée, le 14 février, par El-Hadj Ibrahim Mbombo Njoya, roi des Bamoun, a finalement été réduite à sa plus simple expression. En raison de l’actuelle pandémie de COVID-19, la grande procession de la cour d’apparat du palais jusqu’à la porte des tranchées en aller et retour, a été annulée. Entouré des notabilités de la cour, des autorités religieuses, administratives, judiciaires, municipales, et en présence d’invités spéciaux et des populations, le sultan a dévoilé l’édifice puis reçu les honneurs sur le trône qui modifie l’architecture de la porte. « On a installé ce trône à la porte des tranchées pour ne plus avoir à en transporter lors des cérémonies à venir », a expliqué Nji Nchare Oumarou, le directeur général de l’administration et de la culture du palais des rois Bamoun. Pour la paix, les clés de la porte ont été confiées au préfet du département du Noun pour transmission au maire de la ville.
En guise de réponse aux bonnes intentions du roi des Bamoun, le maire de la ville lui a adressé une correspondance dans laquelle elle dénonce un désordre visuel, appelle à la récupération des attributs à la porte d’entrée, et déplore un manque de collaboration entre l’autorité traditionnelle et les populations. « Veuillez ne pas manquer de récupérer toutes les espèces de tableaux, sièges, figurines que nous pensons que ce sont autant d’éléments de votre prestige qui vous accompagnent à l’instar de votre cour ; ils se trouveront mieux dans un musée ou espace privé », recommande-t-elle. « Pour dévoyer toutes les tensions comme celles qui y ont prévalues, et, en quelque sorte, en quête d’apaisement, la Commune se réserve le droit d’y apposer la croix de St André, en vous invitant sans délais, à libérer les espaces occupés ; à défaut, les dispositions seront prises à vos dépends, pour les y enlever », a conclu Patricia Tomaïno Ndam Njoya. En effet, le maire menace de détruire la porte des tranchées de l’entrée de la ville qui, selon elle, n’obéit pas au plan directeur d’urbanisation.
Pour comprendre l’origine des tensions entre le sultan et le maire, il faut remonter en novembre 2020. Au lendemain de l’incendie qui a consumé la porte d’entrée, le maire a promis la réhabilitation de cet important pan de l’histoire. Dans sa démarche, elle préconisait que « la ville, à travers des termes de référence précis, selon l’emplacement et la symbolique recherchés, lance un concours de présentation du projet et, celui qui va l’emporter sera en quelque sorte le résultat d’une appropriation collective ». Mais elle fut devancée par le roi qui finança les travaux de reconstruction, mettant en valeur le génie créateur de l’art traditionnel. Quelle que soit l’issue du bras de fer entre le sultan et le maire, la porte des tranchées gardera sa portée historique.
C’est au sultan Bamoun Ibrahim Njoya, qui régna au début du XXe siècle que l’on doit la création dans sa capitale, vers 1910, d’un véritable musée tenant lieu de porte d’entrée de la ville. Dans ce lieu chargé d’histoires, était conservé un patrimoine culturel composé entre autres de trophées de guerre, des symboles sacrés du pouvoir et des insignes des sociétés secrètes. Il s’agissait notamment de trônes sculptés de très grandes dimensions, des masques, des statues de personnages et des représentations animales, symboles de l’invincibilité et du pouvoir royal.