Derrière le numéro de téléphone 699455106, Jacques Calvin Eyafa, 49 ans, écroué à la prison centrale de Yaoundé depuis le 8 juillet 2019 pour usurpation de titre et escroquerie aggravée, pouvait imiter le timbre vocal des hautes personnalités de la République pour extorquer de l’argent. Le 4 mai, à 13h30, Jacques Calvin Eyafa empruntant la voix du ministre, directeur du cabinet civil de la présidence (DCC), était en ligne avec le directeur du cabinet civil de la présidence de la République du Niger. Au bout de sept minutes, la conversation s’est brusquement interrompue. Panne d’unités téléphoniques ou défaut de couverture réseau ? Cherchant à savoir les raisons de ce désagrément, son correspondant a fini par se rendre compte de la supercherie et alerté les authentiques autorités camerounaises. Samuel Mvondo Ayolo, le vrai, saisit alors le délégué général à la Sûreté nationale (DGSN), qui, à son tour, a instruit une enquête.
« Le délégué général à la Sûreté nationale a prescrit une enquête urgente. A l’issue des investigations, ledit numéro a été localisé à la prison centrale de Yaoundé. La collaboration avec le régisseur a permis d’identifier le suspect, qui est directement passé aux aveux », a expliqué l’officier de Police Vincent de Paul Meva, chargé d’études assistant N°2 et chef de la cellule d’enquêtes au cabinet du DGSN. Sur autorisation du parquet, le suspect a été extrait le 5 mai pour exploitation. Au bout du compte, un modus operandi des plus modernes.
Pour avoir le numéro de ses cibles, le suspect allait sur Google et prenait les numéros des ambassades. Une fois en possession du numéro de chef d’une représentation diplomatique donnée, il appelait et se faisait passer pour le DCC et demandait à avoir le numéro de son homologue du pays cible. Ce procédé lui a permis d’avoir les lignes directes des chefs d’Etats via les directeurs des cabinets civils des pays concernés. L’exploitation de son téléphone a permis de retracer une incommensurable liste de victimes : responsables d’Organisations non gouvernementales (ONG), personnalités rattachées aux systèmes des Nations unies et à la Banque mondiale, directeurs des cabinets civils de la présidence du Mali et celui du Niger, chefs de missions diplomatiques, directeurs généraux de grandes firmes et hommes d’affaires. A ce jour, Jacques Calvin Eyafa attendait un virement de 195 millions de F d’une ONG américaine. L’officier de Police Vincent de Paul Meva a précisé que des dispositions ont été prises pour stopper cette escroquerie. Le suspect a été reconduit à la prison centrale et sera jugé pour cette nouvelle affaire d’usurpation de titre et d’identité.