Dans le rapport d’étape de la Chambre des Comptes de la Cour suprême déjà qualifié de « Covidgate », les auditeurs ciblent tout particulièrement deux ministères qui ont joué un « rôle central » dans la riposte contre la pandémie : le ministère de la Santé publique et celui de la Recherche scientifique et de l’innovation. Opacité dans la passation des marchés, dépassements des budgets alloués, détournements, surfacturations flagrantes, etc. Le tableau dressé est accablant, les sommes évoquées astronomiques. Une gabegie qu’illustre bien le volet sur les tests de dépistage rapides acquis via les sociétés Mediline Medical Cameroun (MMC) et Moda Holding Hong Kong (actionnaire de MMC) de Mohamadou Dabo, un homme d’affaires et consul honoraire de la Corée du Sud.
Selon la chambre des comptes, MMC a bénéficié d’un « quasi-monopole », raflant 90 % des tests achetés pour 95 % des crédits engagés, au détriment de deux autres prestataires locaux ayant pourtant une expérience « avérée » dans la vente des médicaments et dispositifs médicaux. Moda Holding a, quant à elle, imputé au ministère de la Santé publique des coûts de transport « non proportionnels aux quantités de tests livrés ». Ainsi, notent les auditeurs, un test COVID-19 acheté chez MMC a coûté 17 500 F l’unité, soit 10 415 F plus cher que le prix du fabricant SD Biosensor qui le vendait à 7 084 F, ce qui a fait perdre à l’Etat 14,5 milliards de F !
S’agissant de l’aménagement des centres de mise en quarantaine, le rapport indique que des commandes et prestations fictives ont été enregistrées pour un montant équivalent à près de 134 millions de F. Les critères de sélection des prestataires et les conditions d’attributions des marchés sont jugés opaques par les auditeurs. Toutes choses qui auraient conduit à la contractualisation de prestataires aux états de services douteux. Ce rapport d’étape qui est sur la table du président Paul Biya, depuis mars 2021, porte sur un montant global de 180 milliards de F !
Par ailleurs, alors que le ministère de la Recherche et de l’Innovation, avait annoncé qu’il avait la capacité de produire localement cinq millions de comprimés de chloroquine et cinq millions autres d’azythromycine, le rapport de la Chambre des Comptes a révélé que cette activité budgétisée à un peu plus de 4 milliards de F a en réalité été exécutée par un fabricant indien. Les comprimés ainsi fabriqués ont juste été conditionnés dès réception au Cameroun. Une démarche qui, conclut la Chambre des Comptes, était contraire aux prescriptions du président de la République. Affaire à suivre.