Depuis de nombreuses années, le secteur pétrolier peine à se restructurer, et ce, au point d’affecter différents domaines de l’économie, allant du coût de la vie, aux finances publiques en passant par le bon fonctionnement des entreprises.
La Centrafrique a conclu un programme avec le FMI en 2023, et parmi les objets de négociation, la réforme du marché des carburants est un élément important, un secteur traditionnellement peu traité par le FMI mais qui, pour la Centrafrique, revêt un caractère central.
« Des pénuries prolongées de carburant avaient paralysé l’activité économique et provoqué un effondrement des recettes fiscales », rappelle le FMI dans un question-réponse publiée sur le sujet le 8 novembre 2024. « Il n’est donc pas surprenant que la réforme du marché des carburants ait été un élément important des négociations entre le gouvernement et le FMI », explique l’institution, ce qui a permis de conclure l’approbation d’un nouveau programme d’environ 200 millions de dollars sur trois ans.
C’est donc à la demande du gouvernement que l’institution a envoyé une mission d’assistance technique en février 2023. Sur place, le constat est sans appel. Les prix à la pompe sont parmi les plus élevés au monde, les tensions sur les stocks sont régulières et les rentrées fiscales en chute libre.
Perspectives de croissance à la baisse
Le Fonds monétaire international (FMI) avait revu à la baisse ses prévisions de croissance pour la Centrafrique, désormais attendues à 1% pour 2024, contre 1,3% annoncé en avril. Cette révision fait suite à une mission d’évaluation menée en septembre-octobre 2024, et met en lumière l’impact majeur de la crise du carburant sur l’économie du pays. Les prix du carburant, parmi les plus élevés au monde, étouffent l’activité économique, fragilisant encore davantage un pays déjà confronté à de multiples défis.
Le FMI souligne que, malgré des avancées sur le front de la paix, la Centrafrique reste handicapée par un climat des affaires défavorable, une incertitude réglementaire, une insécurité persistante dans les zones minières, des coupures d’électricité récurrentes et des retards dans l’approvisionnement en carburants via l’Oubangui. Ces contraintes, exacerbées par des prix à la pompe exorbitants, pèsent lourdement sur les entreprises et les ménages.
Cette crise du carburant s’inscrit dans un contexte déjà tendu. En 2022, la Socatraf, filiale de Bolloré, a perdu la gestion du transport fluvial et du port de Bangui, ce qui a aggravé les problèmes d’approvisionnement. Par ailleurs, le départ de TotalEnergies de la Centrafrique en 2022 a laissé un vide considérable. Les actifs de la compagnie ont été rachetés par Rochefort & Associés via TransAfrica Market Oil (Tamoil), mais l’entreprise s’est rapidement retrouvée en difficulté après que le gouvernement centrafricain a attribué en septembre 2023, l’exclusivité d’importation des produits pétroliers à la société camerounaise Neptune Oil, pour une durée de dix ans.
Désormais, Rochefort & Associés est contrainte de se fournir en carburant auprès de Neptune Oil, tout en revendant ses stocks à des prix réglementés par l’État. En conséquence, le marché informel du carburant, qui représente environ 40 % des ventes selon les données du FMI, s’est considérablement développé, rendant la gestion de la crise encore plus complexe. L’importation se fait donc essentiellement par la route, depuis le Cameroun, un trajet plus long, plus coûteux et « inefficace », note le FMI. « Bien que nous observions quelques améliorations, nous sommes encore très loin des performances historiques observées avant 2022 », souligne l’institution.
Des réformes aux attentes multiples
Pour améliorer la situation, le FMI a donc élaboré un Plan d’action de réformes. Aujourd’hui, le prix des carburants est fixé à partir des déclarations des importateurs. L’institution préconise une indexation autour d’un prix de référencement international, une recommandation qui s’explique par le gap astronomique entre les prix mondiaux des carburants et les factures de marketeurs, souligne un observateur du secteur. Pourtant, un décret présidentiel, daté du 17 juin 2024, prévoit notamment une nouvelle structure des prix du carburant, un décret, cependant, encore peu appliqué selon cette même source. Sa mise en œuvre se heurte effectivement à de nombreux défis souligne le FMI.
Cette crise du carburant a une incidence importante sur les finances du pays. Dans une récente communication, le ministre des Finances et du Budget insistait notamment sur l’importance de tenir les objectifs de mobilisation de recettes et le besoin de contenir le déficit primaire intérieur. Des engagements pris auprès des institutions qui, « s’ils ne sont pas tenus », alerte Hervé Ndoba, « pourraient conduire à une suspension des appuis budgétaires ».