Les clichés en provenance de Wuhan sont de nature à faire pâlir d’envie les Européens et Américains, actuellement en proie à une seconde vague de la pandémie de COVID-19. Ils consistent en des scènes de liesse et d’effusion auxquelles les citoyens européens et américains ne peuvent s’abandonner alors qu’ils sont confrontés à une nouvelle flambée de la crise sanitaire. A Wuhan, berceau chinois de l’épidémie, où elle semble jugulée, toutes les phases de la vie sont redevenues familières.
S’ébrouant au rythme de la musique techno du DJ invité en cette belle soirée d’août, plusieurs milliers de clubbeurs s’époumonent dans l’un des plus grands parcs aquatiques d’Asie. Sans masque. Sans gel hydroalcoolique à portée de main. Sans distanciation sociale. Une explosion de joie en forme de bras d’honneur à la pandémie qui, fin janvier, a cloué les habitants dans leurs appartements au confort souvent rudimentaire soixante-seize jours durant. Depuis que les autorités ont testé, dans la seconde quinzaine de mai, les 11 millions d’habitants de cette mégapole tentaculaire, faisant état de la maîtrise de l’épidémie, la capitale de la province du Hubei, au centre de la Chine, sort peu à peu de sa torpeur.
L’application WeChat téléchargée sur son téléphone, il suffit d’exhiber son QR code vert, synonyme de bonne santé, renseigné en se soumettant très régulièrement à un test COVID-19, pour avoir accès à tous les lieux publics. Et ici, personne ne s’en émeut : conscients de l’enjeu sanitaire et disciplinés, les Chinois ne s’inquiètent nullement du traçage de leurs données. Le port du masque, lui, n’est plus obligatoire. « Mais 70 % des gens le mettent encore », précise une source.
S’ils se laissent aller ces jours-ci à une forme de légèreté et d’insouciance, les Wuhanais restent sur leurs gardes. Quand le confinement a été levé, le 8 avril, ils ne se sont pas rués dehors. Trop tôt. Pas assez sûr. La grande faucheuse les avait frôlés de trop près, plongeant dans le chagrin des familles entières. Selon les chiffres du gouvernement chinois, le COVID-19 a tué 3 869 personnes dans la ville, soit plus de 80 % du bilan national, qui s’élève à 4 632 morts. « Les premiers mots que nous avons échangés entre nous ont été : « Finalement, nous avons survécu » ou « Nous avons échappé à la mort » », témoigne un habitant de la ville. Le traumatisme, qui fait écho à celui du Sras, un autre coronavirus virulent apparu en Chine fin 2002, a été tel que son onde de choc s’est propagée jusqu’à la fin de l’été. Les gens n’ont repris leurs habitudes de sortie qu’en septembre. « Mes parents n’osaient pas mettre le nez dehors, ils se sentaient encore en danger. Il a fallu du temps pour que la confiance revienne mais, maintenant, tout le monde sait que la ville est sûre », confie Bingtao Chen, consultant informatique wuhanais qui vit en France.