Face à des mouvements insurrectionnels, la question de la reconstruction ou des politiques de développement se pose lorsque le conflit baisse en intensité. Pour le cas de la région de l’Extrême-Nord, deux questions essentielles se posent : comment reconstruire l’économie de l’Extrême-Nord sans faire le jeu de Boko Haram ? Comment mettre en œuvre des politiques de développement conciliant intégration à l’économie nationale et nécessaire respect des façons de faire locales, facteurs de résilience aux conflits bien que parfois à la limite de la légalité ?Apôtre des Grandes Opportunités, le président Paul Biya a toujours perçu la région de l’Extrême-Nord comme une zone d’opportunités économiques qui pourrait favoriser le développement local et la relance de la croissance pour l’ensemble du Cameroun, et non comme une région à assister. Pour cette raison, il dépasse aujourd’hui le cap des dons, non négligeables, toujours apportés aux populations au plus fort de la guerre contre Boko Haram, pour amorcer la reconstruction de cette zone qui fourmille d’opportunités économiques.
Le 2 septembre 2019, un décret signé du Premier ministre a fait de la région de l’Extrême-Nord, une « zone économiquement sinistrée », permettant d’exonérer d’impôts les potentiels investisseurs durant 3 ans. D’après l’alinéa 2 du premier article de ce décret, la zone économiquement sinistrée renvoie à un espace territorial circonscrit dans lequel l’activité économique connait des perturbations. Notamment à cause de l’insécurité ou des catastrophes naturelles comme l’inondation, la famine, la sécheresse etc. « Ledit statut peut être retiré lorsque les effets du sinistre l’ayant justifié ont cessé », précise le décret du chef du gouvernement.
Montant d’un cran, le président de la République a donné de nouvelles orientations au gouvernement. « D’ordre de Monsieur le président de la République, j’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il instruit le Premier ministre, chef du gouvernement, de prendre des dispositions urgentes et nécessaires à la mise en place d’un programme Spécial pour la reconstruction de la région de l’Extrême-Nord », écrit Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence de la République, au secrétaire général des services du Premier ministre, le 27 août 2020. La décision du chef de l’Etat est le témoignage de sa parfaite maîtrise des traditions économiques locales et des mutations dans le temps, des enjeux générationnels, des enjeux sociaux et de pouvoir et des clivages entre les sphères rurales et urbaines dans cette région, et sa capacité à identifier plus clairement les aspirations et les besoins des populations.
La région de l’Extrême-Nord est un véritable carrefour de routes commerciales et de cultures. En plus du commerce, son économie est structurée autour de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, du tourisme, du transport de marchandises, de l’artisanat et de la chasse. Le secteur informel est prépondérant. Nul doute que le contrat de développement, entre le président Paul Biya et la région de l’Extrême-Nord, s’articulera autour de mesures socioéconomiques fortes tenant compte des logiques économiques locales et de la géographie transfrontière de la région, ainsi que du rétablissement du lien social et des liens entre les communautés transfrontières sans lesquels les liens économiques seraient inopérants. Cette instruction du chef de l’Etat au chef du gouvernement sonne comme un soutien au secteur informel, une invite à déterminer les secteurs économiques porteurs dans la région et élaborer davantage de projets à l’échelle du bassin du lac Tchad, ou ciblant de plus petits espaces à fort potentiel de relance économique, indifféremment de la barrière frontalière.
Ce programme spécial devrait surtout faire la part belle à l’inclusion et à la participation des populations, et être mis en œuvre conformément aux règles de bonne gestion et de transparence prônées par le président de la République. L’inclusion, à son sens, devrait apporter un plus grand soutien aux initiatives économiques des femmes et des jeunes, ainsi qu’un appui particulier aux communautés les plus fragilisées par le conflit et aux catégories autrefois actives que le conflit a rendues vulnérables.