Si votre réponse, à cette interrogation du mercredi 9 juin 2004 à l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen, est « pas du tout », sachez que vous êtes en phase avec le président de la République du Cameroun qu’un individu a donné pour mort dans la nuit du 25 mars via une vidéo, très vite devenue virale.
Dans un communiqué bref et concis, le ministre de la Communication (Mincom), René Emmanuel Sadi livre le résultat de l’autopsie de cette vidéo pour le moins surprenante. « Dans la nuit du mercredi, 25 mars 2020, aux environs de 23 heures 52 minutes, un individu visiblement sous l’effet des stupéfiants, s’est mis en ligne dans un direct sur la plateforme Facebook, pour commettre des déclarations délirantes, fantasmagoriques et abracadabrantesques, insinuant, pour tout dire, le décès du chef de l’Etat du Cameroun, et, dans la foulée, alléguant de façon ubuesque, tenir lesdites allégations grotesques et ridicules, d’un ancien ministre de la République », précise René Emmanuel Sadi.
Le Mincom, plus loin, donne des précisions sur l’identité de l’auteur de cette vidéo. « Ce hurluberlu, qui dit vivre en à Paris en France, et qui se fait appeler, « KAMWA LA PANTHÈRE » ( ou à tout le moins, un sobriquet farfelu qui s’apparente à cela), se trouve être hélas, de ces concitoyens qui ont perdu sens et valeurs de toutes choses, et qui vivent de fantasmes ubuesques et de vomissures inadmissibles qu’ils mettent sur la mère patrie », annonce le Mincom.
Sacrés réseaux sociaux
« Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles », résumait formidablement Umberto Eco. Et le président Paul Biya de prévenir : « chaque fois qu’en un clic, vous empruntez ces autoroutes de la communication qui vous donnent une visibilité planétaire, il vous faut vous souvenir que vous n’êtes pas pour autant dispensés des obligations civiques et morales de votre pays ».
Si les rumeurs, les mensonges et les fausses informations ont toujours existé, leur montée en puissance actuelle tient au bouleversement du marché de l’information par les réseaux sociaux, combiné à la volonté manifeste chez certains camerounais de déstabiliser leur pays. Paraphrasant Umberto Eco, c’est le lieu de dire que le prix à payer pour avoir Paul Biya d’un côté, c’est d’avoir un imbécile de l’autre.
Quand la rumeur tue Paul Biya
L’épisode du 25 mars 2020 est un remake du jeudi 3 juin 2004 au soir. Ce jour-là, deux sites Internet, The African Independent et Camerounlink, tous deux animés depuis les États-Unis, ont lancé sur la Toile une rumeur qui ne cessa de s’amplifier : « Le président Biya serait mort en Suisse ». Pendant toute la journée du 4, l’« information » tourna en boucle.
La macabre comédie prit fin 5 jours après, le mercredi 9 juin. Vers 9 h 30 ce matin-là, un Paul Biya radieux, en costume bleu, accompagné de son épouse en rose, de Brenda et de Junior, quitte l’hôtel Intercontinental en direction de l’aéroport de Genève. A 15 h 50, le Boeing présidentiel de la Camair atterrit à Yaoundé-Nsimalen, attendu par une foule en délire.
Au micro de Charles Ndongo, le président Paul Biya eut ces mots : « J’étais en Europe en visite privée et puis, j’ai appris comme tout le monde que j’étais mort, voilà. Mais au-delà, je crois que c’est une mauvaise blague. C’est ridicule, c’est inadmissible. Je saisis cette occasion pour dire deux choses. Nous sommes une démocratie, nous faisons des efforts pour développer l’économie, le pays est stable, nous n’avons pas que des amis. J’invite les Camerounais à redoubler de vigilance pour conserver leur stabilité mentale et politique. Apparemment, il y a des gens qui s’intéressent à mes funérailles, eh bien, dites leur que je leur donne rendez-vous dans une vingtaine d’années ».
Pour un communiqué d’un ministère de communication, le langage n’est pas châtié.
Paul Biya mourra un jour ,pourquoi précipiter sa mort ?