Face à la montée en puissance du phénomène de détournements des deniers publics, l’Opération Épervier avait été lancée par le gouvernement de l’ancien premier ministre Ephraim Inoni pour traquer tous les prévaricateurs de la fortune publique. Depuis 2006 que cette opération a été lancée, il est toujours difficile pour les justiciables camerounais de savoir combien l’État a récupéré. Ce que l’on note sans risques de se tromper, c’est le nombre trop plein des locataires de la prison centrale de Kondengui qui sortent du Tribunal Criminel Spécial après une condamnation à payer à l’État des dommages et intérêts pour en guise de réparation aux préjudices subis du fait des détournements des deniers publics. Il faut dire que les populations qui en ont marre de connaître des moments difficiles à cause de ces écarts de comportement vis-à-vis de l’argent public, commencent à s’intéresser très peu de ceux qui vont en prison. Ils veulent entendre que l’État a fini par confisquer les biens de ces derniers ou que l’État a enfin mis la main sur les milliards FCFA détournés dans ses caisses.
Il ressort donc que l’État éprouve toutes les difficultés à récupérer cet argent. L’on parle de 400 milliards FCFA encore entre les mains des prévaricateurs de la fortune publique. Dans ses recueils des arrêts de la Section Spécialisée de la Cour suprême, compilés dans un coffret de 06 tomes dédicacés le 1er septembre 2021, l’avocat général, Emmanuel Ndjeré a révélé que la Cour suprême en réexaminant les décisions du Tribunal Criminel Spécial, a constaté une véritable entorse dans le recouvrement des sommes à payer par les personnes reconnues coupables de détournements des deniers publics, soit encore 400 milliards FCFA. Les populations craignent que l’Opération Épervier ne soit juste un mécanisme mis en place pour bloquer l’ascension politique de plusieurs fils du pays. D’autres par contre pensent en un jeu qui vise à calmer les populations en colère de voir certaines pontes de gouvernement faire de la République, une épicerie familiale. Sinon, qu’est-ce qui empêche l’État de recouvrer ces montants mirobolants ?
C’est du moins ce qui justifie autant de questions que se posent Emmanuel Ndjeré « Le recouvrement de ces sommes a-t-il déjà été amorcé ? Qui en a la charge ? Qui doit coordonner les actions y relatives ? Qui est chargé de l’évaluation de ces actions et de l’information du peuple qui semble ignorer où se trouvent les sommes allouées à l’État au titre de dommages-intérêts, amendes et dépens ? ». Des questions sommes toute intéressantes et auxquelles les populations aimeraient être fixées depuis le lancement de l’Opération Épervier en 2006 sous la pression des bailleurs de fonds.
Le problème est devenu inquiétant si bien que le premier président de la cour suprême du Cameroun s’est vu dans l’obligation de bâtir son discours de rentrée judiciaire 2021, sur « La difficile exécution des décisions de justice au Cameroun ». Tel un plaidoyer, Daniel Mekobe Soné appelle à plus de sérieux dans le suivi des décisions de justice au Cameroun. Avec l’Opération Épervier, l’on ne saurait se limiter à la décision du juge. Celle-ci doit être suivie par les autres maillons de la chaîne voire de l’appareil judiciaire.
L’avocat général Emmanuel Ndjeré interpelle de ce fait dans son ouvrage, les autorités administratives, les magistrats, les huissiers de justice, les avocats, les officiers de police judiciaire impliqués dans l’application des décisions de justice à faire leur travail. Et ce n’est qu’à ce titre que le pouvoir judiciaire réussira à s’imposer à côté des deux autres pouvoirs que sont l’exécutif et le législatif, pour punir sans exception tous ceux qui confondent encore la fortune publique à leurs cacaoyères ou encore, qui portent atteinte à la loi. L’application des décisions de justice n’est pas un exercice facultatif mais un impératif catégorique pour ne pas donner l’impression au public qu’il s’agit d’une justice deux poids, deux mesures.