Entamée en toute discrétion il y a plus de trois ans, début 2018, la négociation pour la vente de la moitié de la participation de la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) dans l’oléoduc Tchad-Cameroun s’est accélérée ces dernières semaines. SHT détient 21 % dans la joint-venture Cameroon Oil Transportation Co (Cotco), qui rassemble ExxonMobil (41 %), Petronas (30 %) et deux Etats : le Cameroun (5 %) et le Tchad (2,7 %).
La Société nationale des hydrocarbures (SNH) camerounaise est candidate à la reprise d’une partie des actions détenues par SHT dans Cotco. Dans un courrier daté du mois de janvier 2021 qu’Africa Intelligence a pu consulter, la société de conseil tchadienne chargée de la négociation Galileo Négoce & Conseil indique à SHT que la SNH est prête à payer 150 milliards de francs CFA (environ 230 millions d’euros) pour cette transaction. L’ombre du créancier Glencore
Dirigé par Serge Yawili Mokito, Galileo conseille la SHT sur cette transaction depuis la genèse de l’opération, initialement destinée à éponger une partie des dettes dues au trader Glencore, principal créancier du Tchad. En 2018, le ministre de l’énergie tchadien d’alors Béchir Madet avait directement correspondu avec le directeur général de la SNH, Adolphe Moudiki, pour échanger sur la possibilité de ce rachat, sans qu’aucun montant ne soit évoqué. Les négociations ont ensuite traîné en longueur avant de revenir sur le sommet de la pile des priorités du président tchadien Idriss Déby au regard de la crise économique engendrée par le Covid-19, qui frappe le Tchad de plein fouet.
Opérationnel depuis 2003, le pipeline Tchad-Cameroun relie les champs pétroliers de Doba au port de Kribi et permet d’acheminer près de 40 millions de barils/an produits au Tchad par China National Petroleum Corp (CNPC), ExxonMobil ou encore Petronas. Il octroie à Cotco d’importants droits de transit (Africa Intelligence du 07/01/20), notamment grâce aux renégociations régulières à la hausse de ces tarifs, largement encouragées par le président camerounais Paul Biya. En janvier, la SNH – qui gère les droits de l’Etat dans le domaine pétrolier – a annoncé que le trésor public camerounais avait encaissé 30,71 milliards de francs CFA au titre du droit de transit en 2020, contre 29,97 milliards en 2019.
Le Pipeline, une aubaine pour Yaoundé
Lancé en 2003, l’oléoduc qui achemine le pétrole tchadien par pipeline via le Cameroun génère de nouveau des revenus pour le Cameroun. Des recettes en hausse par rapport à 2018 tirées par l’amélioration des volumes expédiés à travers le port de Kribi en 2019. Globalement, depuis sa mise en service, le pipeline transportant le pétrole tchadien a contribué à la création d’emplois et à la dynamisation de l’économie du Cameroun.
Le pipeline Tchad-Cameroun continue de générer des recettes à l’Etat camerounais, a révélé la Société nationale des hydrocarbures (SNH). A la fin du troisième trimestre 2019, le droit de transit a rapporté près de 30 milliards FCFA, soit 51 millions de dollars au pays d’Afrique Centrale. Des recettes en hausse de 23% en glissement annuel, équivalant au volume cumulé de plus de 35 millions de barils de pétrole enregistrés. Ces performances ont été portées par l’augmentation des volumes transportés via le terminal Komé-Kribi (KK1) du pipeline Tchad-Cameroun.
L’évacuation du pétrole brut tchadien à travers le pipeline Tchad/Cameroun génère des recettes au titre de droit de transit, directement versé par la Cameroon Oil Transportation Company (COTCO) au Trésor public. Les recettes proviennent également des impôts et taxes payés par les sociétés impliquées dans la construction et l’exploitation du projet ainsi que les dividendes perçus par l’Etat en tant qu’actionnaire de COTCO.
Hausse progressive des recettes camerounaises
Depuis le démarrage, les tarifs ont été réajustés. L’avenant à la Convention d’établissement de la COTCO, signé le 29 octobre 2013, a relevé ce taux à 1,30 dollar par baril, contre 0,41 dollar auparavant. L’avenant prévoit l’actualisation de ce taux toutes les cinq années sur la base moyenne des taux d’inflation annuels enregistrés au Cameroun pendant cette période. Sur cette base, le taux du droit de transit a été actualisé le 30 septembre 2018, passant de 1,30 dollar à 1,32 dollar par baril. Ce taux actualisé est appliqué sur les quantités de pétrole brut transitant par le terminal KK1 depuis octobre 2018, et ce jusqu’à septembre 2023, date de la prochaine actualisation du taux.
Un levier d’accélération économique
Selon les chiffres de la SNH, près de 2000 entreprises camerounaises ont bénéficié de divers contrats de prestation de services dans le cadre du Projet Pipeline Tchad-Cameroun, pour un montant avoisinant les 270 milliards de francs CFA, environ 460 millions de dollars. Cela dans la réalisation des travaux topographiques, le transport routier des tuyaux, le défrichage de l’emprise foncière du projet, le contrôle non destructif des soudures, la réalisation de pépinières d’essences forestières, les prestations sanitaires, la fourniture de matériel et d’équipement de bureau, la fourniture de denrées alimentaires entre autres. La mise en place de ce type d’infrastructure a permis de stimuler la recherche pétrolière. Le pipeline Tchad-Cameroun qui relie le sud tchadien à la côte atlantique constitue un moyen d’évacuation pour les hydrocarbures susceptibles d’être découverts et extraits dans le bassin camerounais de Logone Birni, la région du Lac Tchad, ainsi qu’à l’ouest de la République centrafricaine et au Niger