« Je n’ai ni reçu, ni stocké, ni géré un franc Covid. Je n’ai même pas donné un marché Covid à quelqu’un. J’ai été très étonnée d’être à la une des journaux alors que le ministre des Finances a pris la peine de dire que le Minresi est à 0 % d’ordonnancement, ce qui veut dire en français facile que le Minresi n’a rien reçu », fait savoir le Ministre au micro du journaliste Jean-Bruno Tagne.
En réalité, la Chambre des comptes ne dit pas le contraire. Le rapport d’exécution 2020 de ce fonds mis en place pour lutter contre le Covid-19 montre bien que le Minresi n’a pas consommé le budget d’un montant de 6,1 milliards FCFA qui lui était destiné. Par contre, le rapport d’audit rendu public en juin 2021 épingle bien Madeleine Tchuente pour « faute de gestion ».
L’audit de la Chambre des comptes révèle qu’au 31 décembre 2020, un montant total de 657 088 524 FCFA de dépenses a été exécuté au MINRESI pour la production de l’ hydroxychloroquine et de l’azithromycine par l’Institut de recherches et d’études des plantes médicinales (IMPM), un organisme sous-tutelle du MINRESI. Problème, cet argent a plutôt servi à importer 5 millions de comprimés d’hydroxychloroquine et 500 000 comprimés d’ azithromycine de l’Inde.
Pour la juridiction des comptes, le MINRESI n’a pas respecté les consignes de l’État du Cameroun en commandant les médicaments à l’étranger au lieu de les fabriquer sur place. Ce que Madeleine Tchuente reconnaît d’ailleurs dans l’interview qu’elle accorde à Naja Tv, même si elle s’étonne du tollé que cette affaire a engendré dans la presse camerounaise.
Et pourtant, pour la Chambre des comptes, cette méprise n’est pas futile. D’abord parce qu’il convient de rappeler que cet achat de médicaments est contraire à la règlementation en vigueur, qui confie l’acquisition des médicaments à la Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments et consommables essentiels (Cename) ». Et pour ne rien arranger, les médicaments importés n’ont pas été distribués à date.
Plusieurs institutions épinglées
De ce dernier rapport de 119 pages, il ressort une « absence de transparence » et une « faible redevabilité » des gestionnaires du Fonds spécial de solidarité nationale. Ainsi plusieurs départements ministériels sont dénoncés. Parmi les départements ministériels épinglés figure le ministère de l’agriculture et du développement rural (MINADER). Il a affecté partie de son enveloppe de 3,239 milliards FCFA pour la réduction de la dépendance alimentaire à « 64 particuliers dont l’éligibilité est sujette à caution, s’agissant en particulier d’un Ministre, de deux députés, d’un colonel et d’un contrôleur financier », soit une valeur totale de 424 499 579 FCFA.
Autre curiosité de ce rapport c’est que 20 départements ministériels n’ont pas dépensé de l’argent reçu à titre du compte d’affectation spéciale. De sorte que sur une enveloppe globale de 76 870 000 000 FCFA, seul 8 512 126 000 FCFA (soit 11% de l’enveloppe) a été dépensée.
Sur ce plan, les MINDDEVEL, le MINESEC, le MINADER et le MINJEC sortent du lot pouvoir avoir dépensé les 8 512 126 000 FCFA susmentionnés. Les 16 autres ministères sont restés les bras croisés en dépit de la situation d’urgence et des directives prescrites par le Premier ministre, Chef du gouvernement. Par ailleurs et dans la même période trois départements ministériels en première ligne de la lutte contre la pandémie : le MINSANTE, le MINFI et le MINRESI ont engagé 132,9 milliards FCFA. Ainsi le total des dépenses s’élève à 141,395 milliards FCFA. Toutefois le constat qui se dégage est que « la notion d’urgence ne s’est donc pas traduite de la même manière pour toutes les administrations, » comme le souligne le rapport.
Pour sa part, le MINJEC qui avait recruté des volontaires pour la campagne de sensibilisation de la population au Covid19 ne les avait pas encore payés jusqu’en août 2022 pour des raisons administratives, notamment l’inexistence des comptes « Trésor » auprès de chaque délégation régionale du MINJEC. Comptes dans lesquelles cette dotation doit être virée par le MINFI. L’enveloppe affectée à cette tâche s’élève à 225 millions FCFA.