Le président de la République, ordonne suspension de la procédure en attendant les conclusions définitives d’une affaire pendante au tribunal administratif du Littoral.
La loi fondamentale du Cameroun dans son article 5 alinéa 2 confère au président de la République, une panoplie d’attributions. « Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Garant du strict respect des lois en vigueur, Paul Biya donne de la voix opportunément pour recadrer les différents actants de la scène publique, tout en veillant à la séparation des pouvoirs et à la bonne santé de leurs relations.
Le 23 octobre 2019, par une lettre de son légataire Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence de la République (SGPR), il a demandé au directeur général du port autonome de Douala (PAD) de « suspendre les travaux de finalisation des termes du contrat de cession, ensemble ses annexes, avec la société Terminal Investment Limited, adjudicataire provisoire de la concession des activités de rénovation, de modernisation, d’exploitation et de maintenance du terminal à conteneurs du port autonome de Douala-Bonaberi ».
Motif
Légaliste pur jus, le président de la République ne souhaite pas voir le pouvoir judiciaire subir obstruction de la part du pouvoir exécutif. Il ordonne la suspension de la procédure « En attendant les conclusions définitives de l’affaire société APM Terminals BV et BOLLORE S.A contre Port autonome de Douala, pendante au tribunal administratif du Littoral à Douala et partant sur la requête aux fins de sursis à l’exécution de la décision nº0006219/DG/PAD du 8 janvier 2019 », précise le SGPR.
Autour de la question
Le 16 septembre 2019, le directeur général du PAD, Cyrus Ngo’o, a annoncé la concession du terminal à conteneurs à l’entreprise suisse Terminal Investment Limited (TIL), pour une période de 15 ans dès le 1er janvier 2020. En guise de réaction, Cyrille Bolloré, patron de Douala International Terminal (DIT), détenu conjointement par Bolloré Transport & Logistics (BTL) et APM Terminals, a personnellement écrit au président Paul Biya pour solliciter son arbitrage dans le renouvellement de la concession du terminal à conteneurs du port de Douala.
Dans un long courrier, conclu par une note manuscrite rappelant « les souvenirs très amicaux de Vincent Bolloré », le patron français demande au chef de l’État d’intervenir « pour que l’accord signé avec le port de Douala le 4 octobre 2017 [soit avant l’ouverture de l’appel d’offres et qui prévoyait une prolongation de quatre ans de la concession en cours] soit mis en œuvre ; de solder amiablement tous les différends opposants le PAD et DIT ; enfin de relancer sereinement un appel d’offres de la concession, sur des bases équitables ».
Le 16 août, le tribunal administratif de Douala, saisi par DIT, avait d’ailleurs rendu une première décision allant dans le sens de l’opérateur, demandant le report du processus d’attribution. Une décision de justice dont n’a pas tenu compte la direction du PAD. En passant outre, le PAD a pris le risque de se placer dans l’illégalité, estime-t-on chez DIT, qui a également publié un document, début septembre, contestant les prévisions de trafic retenues par l’autorité portuaire pour valider son choix.
Interprétation de la décision de Paul Biya
Le président de la République, demande d’attendre le temps de la justice sur une affaire économique et hautement sensible. Faire le lien de cette décision avec la visite en cours au Cameroun du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, n’est que pure spéculation. Le président de la République a toujours martelé que le Cameroun est un État souverain, et n’est la chasse gardée de personne.