La crise sociopolitique qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun était au menu de l’audience accordée par le président Muhammadu Buhari à Félix Mbayu, le ministre délégué auprès du ministre des Relations extérieures, en charge de la Coopération avec le Commonwealth, envoyé spécial du président de la République du Cameroun, Paul Biya. En plus de leur appartenance au Commonwealth, le Cameroun et le Nigéria entretiennent des relations historiques, culturelles et économiques, de part et d’autre de la frontière terrestre d’environ 2 000 kilomètres. Des liens forts qui ont résisté au conflit de la presqu’île de Bakassi sanctionné par la sentence de la Cour pénale internationale de justice de la Haye en faveur de la partie camerounaise. Plus forts, les deux pays frères et amis ont poursuivi leur marche en avant, assumant leur rôle respectif de locomotive économique de l’Afrique centrale et de l’Ouest.
Au plan sécuritaire, le Cameroun et le Nigeria connaissent pratiquement des situations semblables. En plus d’avoir, depuis 2014, la lutte contre le terrorisme de la secte Boko Haram en commun, ces deux pays voisins font face à des mouvements sécessionnistes nourris. Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun connaissent, depuis cinq ans, des revendications sécessionnistes entretenues par des bandes armées revendiquant l’existence d’un Etat fantôme. De son côté, le Nigeria est toujours la cible des attaques du peuple Autochtone du Biafra (IPOB), une entité qui revendique l’indépendance du Biafra. Dans cette zone, le calme apparent couve une remobilisation permanente. Nnamdi Kanu, le leader de ce peuple irrédentiste a récemment été arrêté.
Conscient de l’important rôle joué par le Cameroun aux côtés du Nigéria au plus fort de la guerre du Biafra, le président nigérian pense qu’il est temps de lui rendre la pareille en l’aidant à vaincre les bandes armées qui sèment terreur et désolation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Selon le communiqué sanctionnant l’audience accordée à l’envoyé spécial du président Paul Biya à Abuja, « le président Muhammadu Buhari suit de près la situation politique dans les deux régions, et a bien conscience des soubresauts que cela entraine dans son pays ». Abuja souligne qu’il est de son intérêt de veiller à ce que le Cameroun soit stable. « Nous vous soutiendrons sans relâche », a confié le président Muhammadu Buhari à Félix Mbayu. L’émissaire du chef de l’Etat s’est dit satisfait du rôle que le Nigeria joue en Afrique et a fait observer qu’en plus des frontières, le Cameroun et le Nigéria font face à des défis sécuritaires similaires auxquels il convient de trouver des solutions communes.
Que le Nigéria soutienne le Cameroun pour la défense de son intégrité et sa stabilité, cette attitude n’est pas une nouveauté dans les relations entre les deux pays. On se rappelle qu’en janvier 2018, grâce à une excellente coopération entre les services de renseignement des deux pays, la tête de file de la lutte pour la sécession au Cameroun et leader de la République fantôme d’Ambazonie, Sisiku Julius Ayuk Tabe, était arrêtée au Nigeria. C’était alors une des manifestations visibles de la volonté de ce pays frère de ne pas servir de base arrière aux chantres de la déstabilisation du Cameroun. Preuve irréfutable d’un ciel sans nuages au-dessus des relations entre Yaoundé et Abuja. Les présidents Paul Biya et Muhammadu Buhari sont désormais, plus que par le passé, engagés dans une synergie dans la lutte contre toute forme d’irrédentisme.