C’est noyé sous un flot d’applaudissements que Ni John Fru Ndi, le leader historique du parti SDF, a fait l’annonce de son retrait à la prochaine élection présidentielle : «Je ne vais pas présenter ma candidature à la prochaine élection présidentielle. J’ai décidé de laisser la compétition à de jeunes candidats».
«Je ne suis pas candidat, mais je ne vous abandonne pas. Je vais passer le témoin à celui que vous aurez choisi», va-t-il préciser plus loin, dans la même effervescence. Dans la foule des congressistes, certains sont émus aux larmes et saluent une leçon de démocratie.
« Ses déclarations sont formidables. Ça fait une tache d’huile dans l’histoire du pays et ça donne l’exemple à d’autres chefs. Il ne s’accroche pas au pouvoir ».
John Fru Ndi passe ainsi la main, après avoir été depuis 1992 le principal challenger du président Paul Biya aux différentes élections présidentielles, organisées depuis le retour au multipartisme, à l’exception notable de celle de 1997, que son parti avait boycottées.
Selon le journaliste camerounais Séverin Tchounkeu, directeur de publication de La Nouvelle expression, John Fru Ndi a marqué l’histoire de la démocratie camerounaise. Il lui rend hommage.
Un homme de fer entre ferveur et controverses
Il a été candidat aux élections présidentielles de 1992, 2004 et 2011. Ses concitoyens l’ont surnommé le « Chairman », en référence au titre anglophone de président de son parti. En 1992, lors de la toute première élection présidentielle pluraliste du Cameroun, il arrive second avec 36 % contre le président sortant, au pouvoir depuis 1982. Du fait des nombreuses fraudes observées, il se déclare élu, mais Paul Biya, avec l’aval de la Cour suprême et le soutien de la France se déclare vainqueur et le fait mettre en résidence surveillée pendant plusieurs mois chez lui au Ntarikon Palace à Bamenda, au sortir duquel il prétend avoir été reçu à la Maison-Blanche lors de l’investiture du nouveau président américain Bill Clinton (il le prouve par une photo, qui plus tard s’avère avoir été truquée). John Fru Ndi est mis en examen pour « complicité d’assassinat, blessures simples et blessures légères » avec une vingtaine d’autres dirigeants du parti en août 2006, à la suite du décès de Grégoire Diboulé, lors des affrontements suivant un conflit la direction du SDF entre John Fru Ndi et Bernard Muna.
En 2009, le rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement sur les biens mal acquis fait état d’une accusation de corruption, aux détours d’un passage du rapport consacré aux « largesses de Paul Biya » qui, selon cette source, « serviraient aussi à amadouer l’opposition ». Le rapport rapporte l’accusation relayée par le journal camerounais The Post du 4 octobre 2005, qui elle-même se réfère à la lettre d’information londonienne Africa Confidential et indique que « le leader de l’opposition John Fru Ndi aurait accumulé une fortune de plus de 125 millions de dollars, dont « plus de 70 % de l’argent provient de ses deals politiques avec le chef de l’État camerounais en fonction » », entre juin 2002 et 2005 ». John Fru Ndi a nié et Africa Confidential a démenti avoir mené une telle enquête. Il est en outre accusé d’avoir perçu 500 millions de francs CFA lors de l’élection présidentielle de 2004 pour casser la dynamique de l’opposition. En rappel, en février 2013, John Fru Ndi demande à être reçu par Paul Biya afin de lui donner son point de vue sur les élections sénatoriales, qu’il estime prématurées et organisées unilatéralement, sans que les partis d’opposition n’aient été consultés ni informés. Il menace initialement de ne pas participer au scrutin. Lors de ces élections sénatoriales, finalement candidat dans le Nord-Ouest, John Fru Ndi n’est pas élu. Trois ans avant, soit le 10 décembre 2010, une rencontre historique s’était produite entre Paul Biya et Fru Ndi à Bamenda lors du cinquantenaire de l’armée camerounaise. Selon plusieurs médias camerounais, les deux Hommes se sont entretenus sur la vie politique nationale et les perspectives de développement au Cameroun.