Entre ces deux extrêmes, subodorant de sérieux ennuis judiciaires, l’ancien ministre de l’Eau et de l’Énergie a été rattrapé au Nigéria après être sorti clandestinement du Cameroun.
Yaoundé, le 2 mars 2018. Le remaniement ministériel décidé par le président Paul Biya annonce le limogeage de Basile Atangana Kouna. Très vite le rouleau compresseur se met en branle. Le directeur général de la Camwater, entre 2006 et 2011, reçoit une convocation du Tribunal criminel spécial, juridiction d’exception chargée de la traque des prévaricateurs de la fortune publique, pour une affaire de détournements de fonds. Il est aussi frappé d’une interdiction de sortie du territoire. Le dispositif en place annonce une future arrestation.
Il entreprend alors le 9 mars 2018, ce qu’il décrit comme un « voyage normal » avec son chauffeur particulier, son majordome et un gendarme à bord d’un véhicule tout terrain, flanqué de plaques d’immatriculation de l’armée camerounaise. Au Nigéria, « Don Basilio » comme l’appellent les intimes, dépose ses valises au « Command Guest House » de Bauchi, établissement hôtelier appartenant à l’armée nigériane. La cavale se termine le 22 mars avec son arrestation par les autorités nigérianes. Dans la foulée, l’homme le plus recherché de l’heure est rapatrié au Cameroun à bord d’un avion spécial.
Les motifs du départ vers le Nigéria
Le 3 janvier 2020, face aux juges du Tribunal de première instance de Yaoundé-centre administratif pour répondre des faits d’ « émigration clandestine » qui lui sont reprochés, Basile Atangana Kouna rejette les accusations de fuite mettant en avant un rendez-vous médical en France. « Si je voulais fuir, je ne laisserais pas tout mon argent dans mes comptes bancaires et ma famille ici », s’est-il défendu. Il soutient que depuis 2006, il se rendait en France au mois de mars pour des raisons de santé.
« J’étais devenu un citoyen ordinaire. Je n’étais plus soumis à l’autorisation de sortie préalable de ma hiérarchie », soutient Basile Atangana Kouna, qui, plus loin ajoute une couche sur le choix d’un itinéraire inhabituel : « pour des raisons de commodité, j’ai choisi la route. Je voulais la discrétion. Je voulais changer de vie, sortir de l’enfer de l’acharnement médiatique ». Face aux juges qui trouvaient son itinéraire complexe, l’ancien ministre rétorqua : « c’était mon choix. Je pouvais aller à pieds. C’était pour décompresser. Je voulais d’abord rendre visite à un ami au Nigéria. Après la France, je devais ensuite aller en Afrique du Sud ». Une attitude qui visiblement n’a pas convaincu les juges.
Une condamnation à 12 mois de prison
Pour avoir quitté le pays en émigrant clandestinement vers le Nigéria alors qu’il était sous enquête judiciaire, Basile Atangana Kouna est condamné à 12 mois de prison le 7 février 2020 au tribunal de première instance de Yaoundé. L’ancien ministre de l’Eau et de l’Énergie devra également s’acquitter d’une amende de 1 million de F CFA. Les juges n’ont pas épargné ses compagnons de route.
Jean Baptiste Fouda Belinga et Adam Bladi, respectivement chauffeur et majordome de l’ex-ministre. Ainsi que l’adjudant de gendarmerie Edouard Sakpam ont été également écopés des peines de prison. Ils sont condamnés à 10 mois de prison pour complicité des faits reprochés à l’ancien membre du gouvernement. Par contre, l’abbé Loic Nkodo, vicaire à la paroisse de Mokolo, cousin de Basile Atangana Kouna s’en tire plutôt bien. Il écope de 10 mois de prison avec sursis. Les 4 coaccusés sont néanmoins condamnés chacun à payer une amende de 1 million de FCFA.
La face cachée de l’iceberg
Basile Atangana Kouna, Jacques William Sollo, René Martin Mbida, Jean Parfait Koe et Jean Dieudonné Mah sont poursuivis pour détournement de deniers publics, coaction de détournement de deniers publics, complicité de détournement de deniers publics. Ils auraient commis ces infractions du temps de leur passage à la Camwater, entreprise chargée de la gestion du réseau de distribution d’eau potable au Cameroun.