Les Français en âge de voter en 1981 se souviennent encore de la campagne présidentielle opposant Valéry Giscard d’Estaing (VGE) à François Mitterrand cette année-là, et du tour cruel joué par les colleurs d’affiches clandestins au président sortant, candidat à sa propre succession. Sur certaines des affiches du président-candidat, ils avaient remplacé les yeux par deux papillons brillants qui s’éclairaient dans la nuit à la lumière des phares de voitures. C’était bien sûr une allusion, aussi inventive que malicieuse, au scandale de la plaquette de diamants valant un million de francs, entre 650 000 et 700 000 euros, que VGE avait reçue en cadeau de la part du chef de l’Etat centrafricain Jean-Bédel Bokassa. L’affaire avait empoisonné les dernières années du septennat de VGE. L’affiche prenait tout son sel avec le rappel du slogan de la précédente campagne présidentielle du président sortant, affirmant qu’il « regardait la France au fond des yeux ». « Du fond des mines des diamants de Bangui », disaient les mauvaises langues.
VGE perdit le scrutin face à son adversaire socialiste. Pour les analystes, il ne fait pas l’ombre d’un doute que « l’affaire des diamants », qui avait rendu suspecte toute la politique giscardienne en Afrique, a pesé lourdement sur son destin politique.
Les premiers propos de VGE sur le rôle qu’il comptait jouer en Afrique, furent pourtant prometteurs. « Il faudra donner une nouvelle impulsion à la coopération entre la France et les Etats francophones d’Afrique », avait-il affirmé en 1974. Malgré ses initiatives novatrices et une ambition réelle pour changer de paradigme en matière de coopération économique et stratégique, la cote de VGE n’a cessé de baisser en Afrique pendant son septennat. L’affaire Bokassa n’y est pas étrangère, car elle a définitivement terni l’image du chef de l’Etat français parmi ses pairs africains.
L’opération « Barracuda », nom de l’intervention des troupes françaises en Centrafrique en 1979, s’inscrivait en effet dans la continuité de la politique visant à assurer la préservation d’une sphère d’influence française dans l’Afrique subsaharienne. Les années Giscard se caractérisent par la multiplication des interventions militaires françaises. Alors qu’on ne comptabilise que deux opérations militaires françaises en Afrique, au Gabon et au Tchad, sous la présidence de De Gaulle, la France intervient six fois entre 1977 et 1981 : deux fois au Zaïre (avril 1977 puis mai-juin 1978), en Mauritanie (novembre 1977 – juin 1978), au Tchad (début 1978 – mai 1980) et en Centrafrique (septembre 1979), sans compter les tentatives de déstabilisation organisées en sous-main par les services français de contre-espionnage, notamment en Angola, dans l’ex-Dahomey (aujourd’hui le Bénin) et dans les Comores.
A la suite de la disparition de VGE, le président Paul Biya a évoqué, le 3 décembre, « une perte immense pour la France, à laquelle il était particulièrement attaché et pour l’Europe, à la construction de laquelle il a tellement œuvré », dans son message de condoléances, adressé à son homologue français, Emmanuel Macron.