Au soir du 13 octobre 2019, les urnes ont confirmé l’avance prise, depuis le premier tour par ce professeur de droit constitutionnel, austère, aux positions conservatrices et néophyte en politique, âgé de 61 ans.
L’élan antisystème du premier tour s’est poursuivi ce dimanche par le rejet de ce qui représentait encore aux yeux des électeurs, l’élite en place, les grandes familles, les classes privilégiées. Ainsi au vote massif pour Kaïs Saïed, s’est ajouté le vote anti Karoui. Les électeurs essayent un nouveau visage, osent un nouveau virage dans le jeune processus démocratique tunisien post révolution de 2011. Toute proportion gardée, la source, l’ampleur et l’impact de ce soulèvement par les urnes sont comparables à la révolution de janvier 2011. La jeunesse, à l’origine du départ de Ben Ali, grande perdante de ce changement, tient enfin sa revanche. Le droit qu’incarne Kaïs Saïed, est devenu la nouvelle arme du peuple qui lui offre une légitimité incontestable.
Kaïs Saïed l’outsider
Avec un score de plus de 72,5% selon les chiffres sortis des urnes, il prêtera serment le 30 octobre prochain. Sans parti derrière lui, l’universitaire professeur de droit a fait campagne sur ses deniers personnels. Sans meetings, il a séduit les électeurs par un contact positif en arpentant les rues des villes tunisiennes. Afficher une image de citoyen ordinaire marque son indépendance. « Je ne suis le candidat d’aucun parti. Indépendant je suis, et je le resterai », martèle t-il. L’homme qui veut montrer patte blanche, et que l’on surnomme monsieur propre, et Robocop à cause de sa diction rigide est aussi rigoriste quand il s’agit d’appliquer les textes. Conservateur assumé, il s’est fait connaître sur les plateaux de télévision en défenseur de la constitution. Il appelle à la refonte du système politique et à la suppression du parlement dans sa forme actuelle. Il promet de restaurer l’esprit de la révolution qu’avant lui, les hommes politiques ont trahi.
Son programme
L’une des particularités de ce néophyte est son manque de programme politique durant la campagne. Au soir de sa victoire, il laisse transparaître sa ligne directrice. « Nos relations en Tunisie seront basées sur la confiance et la responsabilité. Nous devons renouveler la confiance entre ceux qui sont au pouvoir et le peuple. Et nous allons travailler dans le cadre constitutionnel en respectant tous ses articles. Nous allons aussi travailler au niveau international en participant à la résolution des grandes crises mondiales. Et la première sera la Palestine », a-t-il révélé à ses partisans.
Nabil Karoui reste fair play
Ayant passé la quasi-totalité de la campagne en prison, pour des soupçons de fraude et de blanchiment, il n’a été libéré que quatre jours avant le vote du second tour. « C’est un déni de justice qui m’est arrivé. Avant de rentrer en prison, je faisais le double. Je ne veux pas être mauvais perdant, mais c’est un cas unique dans l’histoire de la démocratie ou des élections dans le monde. C’est comme partir pour les 100 mètres avec un genou cassé lors des jeux olympiques », a-t-il regretté.