La fin de l’idylle entre le Cap pour le changement (CACH) de Félix Tshisekedi, et le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila, a été officialisée le 6 décembre dans un discours prononcé par le président de la République démocratique du Congo (RDC), destiné à faire le bilan des « consultations nationales ». Ces discussions, menées trois semaines durant avec des représentants des forces politiques congolaises et quantité d’acteurs de la société civile, n’ont pas permis de redessiner les contours de la majorité, malgré les efforts de la présidence. Elles ont simplement clarifié les choses : après des mois de tensions, l’accord conclu entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur durant la campagne présidentielle de décembre 2018 n’a décidément plus aucune valeur.
Dans ce message, le président congolais a déclaré, avoir décidé « de nommer un informateur pour identifier une nouvelle majorité parlementaire, l’actuelle s’étant effritée ». Une résultante d’un constat sans appel. « Le temps n’est plus propice aux atermoiements, aux discussions stériles, encore moins aux intérêts partisans. Les replis tactiques et les combats d’arrière-garde n’ont plus aucun sens », trancha-t-il. Le cas échéant, et sur un ton ferme mâtiné d’assurance, Tshisekedi a évoqué ne pas exclure la possibilité, « étant donné que la crise est persistante avec un Parlement qui ne veut pas accompagner le gouvernement, d’user de ma prérogative » de dissoudre l’Assemblée nationale.
Le 7 décembre, le FCC a riposté en « prenant acte » de la décision du président et en demandant au CACH de se retirer du gouvernement, où il dispose d’un tiers des portefeuilles, et des institutions provinciales. « Le FCC rejette toutes les décisions inconstitutionnelles annoncées par le président de la République, lors de son discours après les consultations. La plateforme chère à Joseph Kabila réitère son soutien au Premier ministre, Sylvestre Ilunkamba, et confirme sa majorité au Parlement », lit-on dans le compte twitter du FCC. Sur le terrain, les passions se déchaînent.
La police s’est déployée, le 8 décembre, au sein du Parlement à Kinshasa, siège depuis deux jours d’une bataille rangée entre les partisans du président Félix Tshisekedi et ceux de la majorité parlementaire fidèle à son prédécesseur Joseph Kabila. Pupitre arraché, chaises jetées vers des députés… Au moins trois personnes ont été blessées à des degrés divers dans des affrontements entre les deux camps. L’ONU a prévenu que, « la RDC ne peut pas se permettre une crise institutionnelle grave ». En toile de fond, la course vers la présidentielle de 2023 est lancée.
Dans l’opposition, si Moïse Katumbi, qui contrôle l’aile majoritaire, a salué le « courage et la lucidité » de Tshisekedi et un discours qui a apporté une réponse « claire et précise aux attentes du peuple congolais », Jean-Pierre Bemba a dit souscrire à la « cohésion nationale » prônée par le président Félix Tshisekedi. Les deux hommes reviennent ainsi à de meilleurs sentiments à l’endroit du président après avoir activement soutenu Martin Fayulu lors du scrutin de 2018. Ce dernier clame toujours être le véritable vainqueur de cette élection et accuse Kabila d’avoir imposé la victoire de Tshisekedi à la présidentielle et celle du FCC aux législatives pour, ensuite, mieux dicter ses exigences. « L’origine de la crise est la fraude électorale opérée après la présidentielle et les législatives du 30 décembre 2018 », martèle le professeur Devos Kitoko, secrétaire général de l’Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECIDE), le parti de l’opposant Martin Fayulu.