Véritable gangrène pour une économie, la drogue devient un levier par lequel des narco trafiquants essaient de déstructurer les activités au Sénégal. Les médias et la société civile donnent l’alerte.
Jamais la presse sénégalaise n’avait été aussi alarmante pour dénoncer l’ampleur du trafic de la drogue dans le pays, alors que les saisies se sont multipliées depuis le mois de juin 2019 dans le port de Dakar. Certains journaux s’inquiètent de voir le Sénégal devenir le foyer des blanchisseurs d’argent.
« Quand l’ancienne route des Caraïbes a été fermée, les narcotrafiquants ont fait de notre espace un point de transit. Il est évident que le trafic de drogue interfère directement avec l’activité économique de notre pays », peut-on lire sur le site de nos confrères de Dakaractu. Le journal Le Quotidien va plus loin. Il craint de voir le Sénégal devenir « un narco-Etat ». Tout en saluant les efforts déployés par les autorités pour combattre le trafic de drogue dont des quantités importantes ont été saisies par la police, le journal redoute qu’une bonne partie de ces stupéfiants ne soit sans doute passée à travers les mailles des filets.
En rappel, en juillet 2013, la police sénégalaise avait été secouée par un scandale mettant en cause des gradés qui s’accusaient mutuellement de couvrir des réseaux de trafic de drogue dure.
Si les médias sénégalais tirent la sonnette d’alarme, c’est que les saisies de drogue se sont multipliées dans la capitale. Début juillet 2019, les douanes sénégalaises ont saisi près de 800 kg de cocaïne en provenance du Brésil. La drogue en partance pour Luanda, en Angola, était cachée dans des véhicules neufs sur un bateau dans le port de Dakar. Cette saisie portait à plus d’une tonne la quantité de cocaïne saisie dans ce même port en moins d’une semaine. La valeur de la cocaïne n’a pas été précisée, mais des arrestations ont été opérées dans le cadre de l’enquête ouverte par les services compétents.
Pour la presse sénégalaise, les autorités ont toutes les bonnes raisons de traquer l’argent sale issu de ce trafic qui risque de gangréner l’économie du pays.
« Qui ne voit pas à Dakar, la frénésie d’achats d’appartements et de villas de luxe par de jeunes personnes provenant de pays voisins du Sénégal ? Qui ne voit pas les folles sommes d’argent remises publiquement à des chefs religieux sans pour autant que nul ne cherche à en savoir l’origine », s’alarme le journal Le Quotidien qui rappelle qu’un réseau de passeurs clandestins impliquant de hauts responsables de la police nationale a été démantelé à l’aéroport de Dakar.
Le Sénégal est-il devenu la plaque tournante du trafic de drogue en Afrique de l’Ouest ? Dans son rapport 2018, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) note que le Sénégal, à l’image de tous les autres pays d’Afrique de l’Ouest situés sur la route du trafic international, est un pays touché par toutes les drogues. « On n’en est pas encore à des phénomènes ultra-violents, mais il y a une pénétration du marché par ces criminels », reconnaît Pierre Lapaque, représentant régional de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest. Une région transformée non seulement en zone de transit, mais aussi en zone de consommation et de production.Pour le directeur régional de l’office des Nations unies contre la drogue et le crime, Pierre Lapaque, le Sénégal a tout intérêt à jouer la carte de la transparence en transmettant toutes les données dont il dispose sur le fléau de la drogue.
Fin juillet 2019, les autorités sénégalaises ont fait incinérer plus d’une tonne de cocaïne. Soit la totalité de la drogue saisie en moins d’un mois par les services des douanes. Les contrôles ont été renforcés aux frontières, dans les ports et les aéroports. Dakar reconnaît bel et bien qu’il se trouve désormais dans une zone de transit sur la route internationale de la cocaïne, mais refuse d’être considérée comme une plaque tournante de la drogue dans la région.