Le président Idriss Déby Itno profite de ses récents succès contre Boko Haram pour asseoir un peu plus son pouvoir. L’Assemblée nationale l’a ainsi élevé le 24 juin 2020 au titre de maréchal pour le combat qu’il a mené contre le terrorisme.
Agé de 68 ans, le président, arrivé au pouvoir par les armes il y a près de 30 ans, était jusqu’à présent général de l’armée tchadienne. Dernier fait d’arme en date : il s’était rendu dans la région du lac Tchad fin mars pour piloter la riposte de l’armée après une attaque du groupe djihadiste Boko Haram contre une base tchadienne où près de 100 soldats tchadiens avaient été tués. Outre la présence du groupe terroriste dans la province du Lac, l’armée tchadienne fait face à des affrontements récurrents entre cultivateurs et éleveurs dans l’Est et à des combats entre groupes rebelles et orpailleurs illégaux dans le Nord. Hors de ses frontières, le Tchad est présent dans la Force conjointe du G5 Sahel.
Les nouvelles tenues dévoilées
Idriss Déby Itno, nouvellement élevé au grade de maréchal du Tchad, a signé le 15 juillet 2020 un décret peu habituel définissant les caractéristiques de ses tenues et galons. Dans ce décret numéro 1577/PR/2020 de six pages et signé de sa main sur proposition de son grand chancelier, le chef de l’État tchadien approuve les détails de ses futurs uniformes, élément par élément. « La tenue d’apparat […] comprend : une vareuse en polylaine 220 g. de couleur bleu nuit […], col Mao haut brodé main or motifs feuille de chêne », précise le document.
Suivent « une cape en soie ou en tissu polyviscose », « un pantalon […] avec bande commandement […] brodée main or », « une aiguillette en cordon milanaise or double ferret sur épaule gauche » ou encore une « casquette avec coiffe démontable », « un sabre lame forgée » et un « bâton de maréchal de couleur noire, modèle empire ». Ce dernier, précise le texte, devra être orné « de 23 étoiles dorées de 15 mm symbolisant les 23 provinces du Tchad » et sa « bague supérieure » sera « gravée de la mention Terror Belli Decus Pacis, soit « Terreur pendant la guerre, bouclier pendant la paix ». Le sabre du nouveau maréchal comportera quant à lui la devise « Pour l’honneur et la fidélité à la Patrie ».
De nouvelles formules protocolaires pour s’adresser au Maréchal Itno
«Maréchal du Tchad IDRISS DEBY ITNO, Président de la République, Chef de l’Etat». Voici comment il faut s’adresser à l’écrit au président tchadien, selon une note de la direction générale du protocole de la présidence du pays datée du vendredi 3 juillet 2020. Pour s’adresser au chef de l’Etat à l’oral, voici la formule consacrée : «Maréchal». «La Direction Générale du protocole de la Présidence compte sur la bonne compréhension de l’opinion et lui demande de se conformer aux nouvelles appellations», précise encore la circulaire signée de l’ambassadeur Allah Maye Halina. Pour rappel, c’est au cours de leur session du 26 juin que les députés tchadiens ont décidé d’élever le président Idriss Deby Itno à la dignité du Maréchal du Tchad pour son engagement personnel dans l’opération «Colère de Boma» qui a permis de neutraliser des éléments de Boko Haram.
Le Tchad intensifie sa lutte contre Boko-Haram
Le 23 mars 2020, les partisans de Boko Haram se sont livrés à une grave attaque contre les troupes tchadiennes stationnées à Bohoma. Les combats ont duré plus de 7 heures, faisant 98 morts, sans compter les dizaines de blessés, dans les rangs de l’armée tchadienne. La bataille de Bohoma (orthographiée parfois Bohouma, Bouma ou encore Boma) a mis en évidence les inquiétants progrès réalisés par l’organisation en termes de capacités de combat et de renseignement, alors que l’armée tchadienne était largement considérée en position de supériorité dans la région.
Cette attaque fait suite à des années d’insurrection menée dans le bassin du lac Tchad et notamment dans le nord du Nigeria, mais aussi dans le nord du Cameroun, le sud-est du Niger et l’ouest du Tchad par Boko Haram et l’État Islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO), sa ramification ayant fait allégeance à l’État islamique. Au Tchad, les activités des groupes extrémistes islamistes se sont concentrées dans la province du Lac, qui englobe tout le territoire tchadien bordant le lac. Le nombre d’affrontements entre les insurgés et les soldats tchadiens a triplé, passant de 7 en 2018 à 21 en 2019. De plus, depuis le début de l’année 2019, les populations civiles du Tchad ont été visées à 15 reprises, entraînant des dizaines de décès et d’enlèvements dans ce qui apparaît comme un changement manifeste de tactique.
Ces violences ont entraîné le déplacement de près de 170 000 personnes de la province du Lac, soit environ un tiers de la population tchadienne de la région. Elles ont également mis en péril les moyens de subsistance en entravant la production agricole et en bloquant le commerce transfrontalier, deux facteurs qui, selon les estimations des Nations unies, rendront près de 5,3 millions de personnes dépendantes de l’aide humanitaire au Tchad en 2020. Suite à l’attaque du 23 mars, l’armée tchadienne a lancé une offensive dirigée par le président Idriss Déby afin d’expulser les insurgés du territoire tchadien.