Dans un communiqué commun, Jeppe Kofod, le ministre des Affaires étrangères du Danemark, et Ann Linde, son homologue de la Suède, se disent « profondément inquiets du contenu du documentaire ‘La Taupe’, qui concerne des activités liées à la République populaire démocratique de Corée ». « En réponse à ces inquiétudes, nous avons décidé de charger nos missions aux Nations unies d’attirer l’attention du comité des sanctions de l’ONU sur ce documentaire. Nous allons également soulever cette question au sein de l’UE», écrivent-ils.
Le documentaire, diffusé par la BBC et des télévisions nordiques, le 11 octobre, est issu du rôle joué, pendant près d’une décennie, par un ancien cuisinier danois en pension d’invalidité, déterminé à prouver que Pyongyang contourne les sanctions internationales. Après avoir fondé une antenne danoise de l’Association d’amitié avec la Corée (KFA), une organisation pro-Pyongyang, il s’attire la confiance de son dirigeant espagnol, Alejandro Cao de Benos. Jouant de son rôle d’homme lige du régime nord-coréen, il finit par monter, avec l’aide du réalisateur du documentaire Mads Brügger et d’un acteur jouant le rôle d’un riche homme d’affaires sans scrupule, une mission visant à proposer aux autorités nord-coréennes des investissements juteux liés à l’armement ou au trafic de drogue.
La mission improbable à Pyongyang aboutit notamment à la signature d’un vrai-faux contrat pour construire une usine d’armement souterraine sur une île en Ouganda, via un deal triangulaire impliquant la vente de pétrole par un homme d’affaires jordanien. Le documentaire est tourné pour partie en caméra cachée mais aussi grâce à ce que l’ex-cuisinier présente comme de futures vidéos de propagande pour la Corée du Nord et la KFA. Il montre aussi l’ambassadeur nord-coréen à Stockholm semblant approuver le projet d’usine d’armes, un passage que le ministère suédois des Affaires étrangères a dit « prendre au sérieux ».
La prestation de « La taupe » a bluffé des experts occidentaux du régime nord-coréen, surpris à la fois par la réussite du subterfuge et les risques insensés pris par le duo, l’ex-cuistot Ulrich Larsen et l’acteur Jim Latrache-Qvortrup, un ancien de la légion étrangère française ayant fait de la prison au Danemark. Pour Hugh Griffiths, ancien coordinateur du panel d’experts de l’ONU sur la Corée du Nord de 2014 à 2019, les révélations de ce documentaire sont « hautement crédibles ». « Ce film est la source d’embarras la plus sévère pour le président Kim Jong-Un que nous ayons jamais vue. L’amateurisme apparent de cette affaire n’enlève pas l’intention de vendre et de gagner de l’argent en devises étrangères. Les éléments apportés par ce film correspondent à ce que nous savons déjà », a-t-il confié à la BBC. « Les informations dont nous disposons sont accablantes. J’aimerais rencontrer les membres du panel d’experts sur la Corée du Nord pour dialoguer sur ce qui peut les intéresser. Si le film peut aider de quelque manière que ce soit à ralentir la détermination de la Corée du Nord à enfreindre les sanctions et propager ses armes à travers le monde, j’en serais très heureux », a confié Mads Brügger.