Les électeurs russes se sont prononcés mercredi 1er Juillet 2020 en faveur du Chef d’Etat actuel de Fédération de Russie. Grace à cette réforme, Vladimir Poutine pourra rester au pouvoir jusqu’en 2036.
C’est un résultat qui va au-delà de ce qu’avaient prévu les autorités, rapporte notre correspondant à Moscou. Bien qu’encore provisoires, les résultats du référendum sur la Constitution sont sans appel : plus de 77% des électeurs ont voté favorablement aux réformes voulues par Vladimir Poutine, avec une participation supérieure à 65%. Ils correspondent à ce qui était attendu dans ce scrutin organisé malgré le coronavirus.
C’est ce contexte qui a d’ailleurs permis aux autorités de s’affranchir d’un certain nombre de contraintes en vigueur en temps normal, et qui a favorisé selon l’opposition les fraudes, et les irrégularités… On retiendra sans doute de ce scrutin les fameux bureaux de vote ambulants – ces urnes installées au pied des immeubles, sur des bancs ou à l’arrière de camionnette – « même dans les pays du Tiers Monde, il n’y a pas une telle honte » a commenté sur internet l’opposant au Kremlin Alexei Navalny.
Les résultats portent sur 65% des bureaux de vote répartis sur l’immense territoire russe et diffusés par la Commission électorale centrale, alors que les derniers ont fermé à 20h locales (18h TU) dans l’enclave de Kaliningrad, après une semaine de scrutin.
L’enjeu principal de ce vote était la possibilité pour Vladimir Poutine d’effectuer deux nouveaux mandats, en 2024 et en 2030, et de rester au pouvoir s’il le souhaite jusqu’en 2036. C’est une nouvelle « merveilleuse », se réjouit Elvira. Cette habitante de Moscou a voté « oui » à la réforme, avec un seul objectif : aider le président russe à rester au pouvoir le plus longtemps possible. « C’est lui qui nous redonné une place dans le monde. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, à la fin des années 90, c’était le chaos en Russie. Mais lui, il a relevé le pays, et depuis, grâce à lui, on va de l’avant ! »
Il a pourtant été assez peu question de la durée du mandat durant la campagne, les partisans du « oui » préférant insister sur les valeurs conservatrices traditionnelles qui seront inscrites désormais dans la Constitution. À aucun moment d’ailleurs, durant la campagne, le président russe n’a laissé entendre qu’il souhaitait rester au pouvoir jusqu’en 2036. De nombreux observateurs estiment en fait que le président russe ne sait pas encore ce qu’il fera – il souhaite selon eux se laisser plusieurs options : se chercher un successeur, ou se donner la possibilité de rester au pouvoir… Comme président ou alors à la tête de ce Conseil d’État dont le rôle a été renforcé au sein de la Constitution…
Si les soutiens de Vladimir Poutine comme Elvira se réjouissent du résultat, l’ambiance est tout autre sur la place Pouchkine, rendez-vous habituel de l’opposition dans la capitale russe. Plusieurs centaines de personnes s’y sont retrouvées à la sortie des bureaux de vote pour y dire leur consternation ou même leur colère. « Pour moi, ce vote est illégal, dénonce Margarita, une retraitée. Cela me rappelle l’époque soviétique, quand on vous obligeait à aller voter. J’espère que la jeune génération ne se laissera pas faire, qu’ils iront manifester. »
Au sein de l’opposition, on se prépare déjà à la suite. Aux mobilisations à venir, dans la rue, mais aussi dans les urnes. Avec les élections locales en septembre prochain… et surtout les législatives qui auront lieu à l’automne 2021.
L’arrivée inattendue de Poutine au Pouvoir
Triomphalement réélu en mars 2018 à la tête de la Fédération de Russie, désigné quatre fois de suite personne la plus puissante du monde par le magazine américain Forbes, Vladimir Poutine, devancé cette année par le Chinois Xi Jingping, reste au centre du monde. Adulé par les uns pour sa défense des valeurs chrétiennes, il est accusé par les autres d’avancer ses pions au détriment des démocraties occidentales. Le président russe ne laisse vraiment personne indifférent. Il est d’autant plus fascinant de voir comment il était présenté lorsqu’il commence à faire parler de lui dans les médias français et internationaux au même moment. Ce personnage discret entre sur le devant de la scène politique en devenant Premier ministre au mois d’août 1999. Pour beaucoup, cela ne durera qu’un un bref moment. Dans le journal télévisé de 20 heures de France 2, le lundi 9 août 1999, on constate que les Moscovites ne voient pas Poutine diriger le pays : « Il change de Premier ministre comme il change de slip. Aux présidentielles, il n’a aucune chance, pourquoi ? Parce que tous ceux qui entourent Eltsine, tous ceux qu’il nomme vont finalement périr avec lui. »
Élu dès le premier tour des élections présidentielles de 2000
On ne croit donc guère en lui. À l’époque, Poutine n’est qu’un Premier ministre parmi d’autres. Il serait embarqué dans la valse imposée par le président Boris Eltsine, en bout de course, incapable de faire face aux difficultés économiques, au déclassement géopolitique et aux poussées islamistes dans le Caucase : en Tchétchénie et, au moment précis de la nomination de Poutine, au Daghestan voisin. On spécule alors sur la raison de l’arrivée au pouvoir de Poutine. Pour beaucoup, l’ancien officier du KGB, à la tête des renseignements russes depuis juillet 1998 aurait passé un pacte avec Eltsine et son clan, lavé de toutes poursuites pour corruption une fois le nouveau président élu. Et Eltsine annonce en effet qu’il voit en Poutine son successeur.
D’abord très impopulaire, le Premier ministre devenu président par intérim le 31 décembre 1999, est élu dès le premier tour de la présidentielle de mars 2000, porté par son intransigeance face aux rebelles tchétchènes accusés d’avoir perpétré des attentats meurtriers notamment à Moscou. Celui qui ne devait être qu’un nom de plus dans la valse des Premiers ministres a finalement pris le pouvoir, pour ne plus le lâcher.