Pour l’édition 2020 de la fête d’indépendance de la République démocratique du Congo, le président Félix Tshisekedi a reçu un message particulier venu de l’ancienne métropole.
« Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore présentes dans nos sociétés », a écrit le roi des Belges, Philippe au président congolais, Félix Tshisekedi. Pour la première fois dans l’histoire du pays, le roi a présenté des regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo, le 30 juin 2020, à l’occasion du soixantième anniversaire de l’indépendance. « A l’époque de l’Etat indépendant du Congo [quand ce territoire africain était la propriété du roi Léopold II], des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective. La période coloniale qui a suivi [celle du Congo belge, de 1908 à 1960] a également causé des souffrances et des humiliations », poursuit le roi Philippe, qui règne depuis 2013. Il affirme désormais son engagement à « combattre toutes les formes de racisme ». Engagé dans ce qui s’apparente à une véritable opération de purification, le roi s’engage à encourager « la réflexion qui est entamée par notre Parlement afin que notre mémoire soit définitivement pacifiée ».
Absoute pour Patrice Lumumba
Le parcours fulgurant de Patrice Lumumba, fondateur du Mouvement national congolais, a été de courte durée. Il s’achève six mois et demi après son discours retentissant, le 17 janvier 1961. Déchu, humilié, torturé, le martyr de l’indépendance est exécuté en pleine brousse à 50 km d’Elisabethville, actuelle Lubumbashi, par des séparatistes katangais et leurs hommes de main belges. Il avait 35 ans. La cause de ses malheurs ? Le 30 juin 1960, dans un discours à Léopoldville, actuelle Kinshasa, Baudoin Ier, oncle de l’actuel roi, évoqua la « grande œuvre » et le « génie » de son ancêtre. Un panégyrique auquel Patrice Lumumba avait répondu par une diatribe cinglante, décrivant le Congo comme étant violenté et vidé de ses richesses devant des représentants belges consternés. Aujourd’hui, selon le roi Philippe, « l’heure est venue pour la Belgique d’entamer un parcours de vérité ».
Les Congolais réagissent
Dans une déclaration, la ministre congolaise des Affaires étrangères a d’abord salué la reconnaissance du fait que « le Congolais n’a pas été traité dans le respect de la dignité humaine », explique-t-elle. Pour Marie-Ntumba Nzeza, ce sont les meilleurs souhaits que pouvaient recevoir la RDC et sa population. « C’est du baume sur le cœur du peuple congolais. C’est une avancée qui va booster les relations amicales entre nos deux nations. C’est aussi un puissant soubassement socio-psychologique qui va, petit à petit, modifier notre regard sur nous-mêmes. La Belgique, par le roi Philippe, a posé les bases d’un changement profond ». Pour Carbone Beni, du mouvement citoyen Filimbi, c’est aussi « une prise de position historique », mais il ne faut pas s’arrêter là. Il plaide pour que cette histoire commune soit enseignée dans les deux pays. C’est aussi l’avis de Bienvenu Matumo, du mouvement citoyen Lucha (Lutte pour le changement). Mais, pour lui, la Belgique a encore quelques pas à faire. « Il y a eu beaucoup de crimes économiques, mais aussi des violations de droits de l’homme qui ont été commises en RDC par Léopold et la colonisation belge. Il faut déclencher un mécanisme de réparation, qui peut être un élément fondateur de nos nouvelles relations avec la Belgique. » Pour Bienvenu Matumo, les regrets ne suffisent pas, il exige de véritables excuses.