Moins de 30% des électeurs ont participé au référendum qui ouvre la voie au régime hyperprésidentiel, voulu par l’actuel chef de l’Etat, Kaïs Saïed. La nouvelle constitution élaborée, en un temps record, par l’instance nationale consultative pour une nouvelle République, présidée par le doyen Sadok Belaïd, ancien doyen de la faculté des sciences juridiques de Tunis dans les années 1970, comprend 142 articles. Ses principales nouveautés portent sur la suppression de l’article premier qui parle de l’Islam en tant que religion de l’Etat, pour lui substituer l’appartenance à la nation musulmane, et le rôle imparti à l’Etat de s’atteler à préserver les finalités de l’Islam. Elle évoque également l’appartenance maghrébine, arabe et africaine de la Tunisie. Au chapitre des droits et libertés, la liberté de conscience et de croyance est préservée, mais le droit de grève est encadré et restreint.
Une nouveauté majeure de la nouvelle constitution est la disparition de la notion et du concept des pouvoirs, tels que définis par Montesquieu, pour être remplacés par la notion de « Fonctions », ce qui introduit un changement radical dans l’exercice de l’autorité ou des autorités (exécutive, législative et judiciaire), des rapports entre elles d’un côté, entre elles et le peuple de l’autre. « Le gouvernement est responsable devant le chef de l’Etat » et « mène la politique de l’Etat, conformément aux orientations et aux choix fixés par le président de la république » (Arts 111 et 112).
Le chapitre 7 porte sur les collectives locales et régionales et compte un seul article. L’article 133 dispose que : « Les conseils municipaux, les conseils régionaux, et les conseils de districts ainsi que les structures auxquelles la loi confère la qualité de collectivités locales et de services locaux et régionaux sont exercés conformément à la loi ». Le chapitre 10 porte sur l’amendement de la constitution. En vertu de l’article 136, le président de la République, ou le 1/3 des membres de l’Assemblée des représentants du peuple au moins, ont le droit de proposer l’amendement de la constitution, tant que cela ne touche pas au régime républicain, au nombre des mandats présidentiels ou leur durée par ordre croissant.
En résumé, la Constitution du 25 juillet 2022 accorde de vastes prérogatives au chef de l’Etat, en rupture avec le système parlementaire en place depuis 2014. Le président qui ne peut être destitué désigne le chef du gouvernement et les ministres et peut les révoquer à sa guise. Il peut soumettre au Parlement des textes législatifs qui ont « la priorité ». Une deuxième chambre représentera les régions, en contrepoids de l’Assemblée des représentants actuelle. Sadok Belaïd, désavouant le texte soumis au référendum, a estimé qu’il pourrait « ouvrir la voie à un régime dictatorial ».