Depuis sa prise de pouvoir en janvier 2019, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, tente de se démarquer de son prédécesseur Joseph Kabila, avec qui il partage cependant le pouvoir au sein d’une coalition.
« C’est un président de l’extérieur », raille un Congolais de la diaspora contacté par France 24 et qui a requis l’anonymat. Il fait allusion aux nombreux voyages en Occident de Félix Tshisekedi, qui a pris le pouvoir en République démocratique du Congo il y a tout juste un an, au terme d’une présidentielle sous haute tension.
Conscient d’avoir les mains liés et qu’il ne sera pas libre de gouverner comme il l’entend, Félix Tshisekedi a multiplié dès le début de son mandat les déplacements, notamment en Belgique, en France et aux États-Unis, pour sortir son pays de l’isolement. « Son activisme en Europe et aux États-Unis vise aussi à faire inverser les rapports de force en interne. Il sait que son prédécesseur n’a plus de soutien à l’international à part quelques alliés sur le continent. Mais lui, il parle à tout le monde », estime Trésor Kibangula, analyste pour le Groupe d’études sur le Congo (GEC) basé à New York.
De plus, l’élection en janvier 2019 du fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, longtemps opposé aux Kabila (père et fils), avait marqué pour la première fois une alternance pacifique à la tête de ce pays immense d’Afrique centrale. Mais pour que Joseph Kabila, resté au pouvoir pendant 18 ans, cède son fauteuil, Félix Tshisekedi, à la tête de l’alliance Cach, a dû accepter de former une coalition avec le mouvement Front commun pour le Congo (FCC) de son prédécesseur qui contrôle le Parlement et dispose de solides relais dans l’appareil sécuritaire.
Conséquence, le nouveau président congolais s’est retrouvé au terme de sept mois de négociations avec un gouvernement pléthorique de 65 ministres et d’une centaine de conseillers composé aux deux-tiers par des membres du clan Kabila.
Bien que l’alliance qu’il préside ait pu obtenir des ministères essentiels comme l’Intérieur, l’Économie et les Affaires étrangères, Félix Tshisekedi ne dispose pas d’un véritable pouvoir pour exercer ses prérogatives de chef d’État. Agacé, il a d’ailleurs tapé à plusieurs reprises du poing sur la table pour mettre en garde les ministres encore loyaux à Joseph Kabila qui remet en cause ses ordres.
À l’instar de Clément Kuete Nymi Bemuna, ministre du Portefeuille, ou de José Sele Yalaghuli, ministre des Finances. Le premier a bloqué des ordonnances présidentielles de nomination de hauts cadres à la tête de la Gécamines, le géant des mines congolais, et de la Société nationale des chemins de fer depuis juin 2019. Et le second rechigne à débloquer des fonds pour l’exécution de certains projets.
Une coalition qui risque éclater
Dimanche à Londres, lors d’une rencontre avec la diaspora congolaise en marge du sommet Royaume-Uni-Afrique sur l’investissement, le président congolais a menacé de virer des ministres, si ses partenaires de la coalition sapaient son pouvoir. « Les Congolais m’ont confié une mission et je dois rendre compte à ce peuple. Et celui qui ne va pas suivre mes instructions et qui s’attachera aux instructions de sa famille politique, il sera viré », a déclaré Félix Tshisekedi. « Jusqu’à présent, je n’ai vu aucun ministre s’opposer à mes décisions. Mais certains ministres me disent qu’ils subissent des pressions » précise un autre congolais.
Preuve des tensions réelles au sein de la coalition, le chef de l’État a également brandi la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale : « Je ne peux pas dissoudre l’Assemblée nationale tant qu’il n’y a pas crise. Mais en cas d’obstruction, je serai contraint, en fin de compte, de prendre [cette] décision ».
« Félix Tshisekedi n’a de réel contrôle ni sur l’armée ni sur le Parlement. Menacer de dissoudre l’Assemblée est peut-être une manière de mettre la pression sur le FCC de Joseph Kabila et se ménager des marges de manœuvre. Mais c’est un risque que le président ne prendrait pas. Rien n’est moins sûr qu’il obtienne des résultats autres que celles des législatives précédentes », estime l’analyste Trésor Kibangula.