24 heures après la fermeture des bureaux de vote, dans le cadre de la présidentielle en Guinée, l’opposant Cellou Dalein Diallo, à la surprise générale, a fait une déclaration capable de créer les conditions d’une situation de dégradation pouvant échapper à tout contrôle. « Mes chers compatriotes, malgré les anomalies qui ont entaché le scrutin du 18 octobre et au vu des résultats sortis des urnes, je sors victorieux de cette élection dès le premier tour », a déclaré devant la presse Cellou Dalein Diallo, 68 ans, principal adversaire du président sortant Alpha Condé, candidat à un troisième mandat consécutif malgré des mois de contestation meurtrière.
La déclaration de victoire depuis son QG, du président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), a déclenché des scènes de liesse dans les banlieues populaires de Conakry, où les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les partisans du principal opposant, qui avait promis de ne pas se « laisser voler la victoire ». Dimanche 18 octobre, près de 5,5 millions de Guinéens étaient appelés dimanche à choisir parmi 12 candidats le prochain président du pays. Cette élection, la première d’une série de cinq présidentielles très attendues en Afrique de l’Ouest avant fin 2020, s’est déroulée dans un climat de tension qui fait redouter des troubles autour de l’annonce des résultats, dans un pays accoutumé aux confrontations politiques sanglantes. Pendant des mois, l’opposition s’est mobilisée contre la perspective d’un troisième mandat d’Alpha Condé. La contestation, lancée en octobre 2019, a été durement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.
Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux. Mais pour Alpha Condé, la Constitution qu’il a fait adopter en mars pour moderniser le pays remet son compteur à zéro. Ancien opposant historique, devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des années de régimes autoritaires, Alpha Condé, 82 ans, revendique d’avoir redressé un pays qu’il avait trouvé en ruines et d’avoir fait avancer les droits humains. « J’invite tous mes compatriotes épris de paix et de justice à rester vigilants et mobilisés pour défendre cette victoire de la démocratie », a conclu Cellou Dalein Diallo.
Dans un communiqué, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), formation politique du président sortant Alpha Condé, « condamne sans réserve et avec la plus grande fermeté la déclaration irresponsable et dangereuse de M. Diallo », en demandant à ses militants de rester « calmes, sereins et mobilisés » dans l’attente de la publication des résultats officiels. La Commission électorale nationale indépendante (Céni) a également condamné la posture de Cellou Dalein Diallo.
« Il n’appartient ni à un candidat ni à une personne de s’autoproclamer vainqueur en dehors des instances définies par la loi », a expliqué le numéro 2 de la Céni, Bakary Mansaré. La Céni a jugé « prématurée », « nulle et de nul effet » la déclaration de Cellou Dalein Diallo. C’est à la Céni qu’il appartient d’annoncer les résultats provisoires, probablement « d’ici à la fin de la semaine », puis à la Cour constitutionnelle de les valider, a rétorqué le responsable de la Céni. Devancer la Céni reviendrait à mettre de « l’huile sur le feu », avait mis en garde, le 18 octobre au soir du vote, le Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, par ailleurs directeur de la campagne du président sortant.