Alors que l’Etat y est devenu impuissant, les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri sont confiées entièrement aux militaires pendant trente jours, depuis le 6 mai. Dans cette zone de non-droit, tous les espoirs reposent sur cette nouvelle solution radicale. Concrètement, la décision du président Félix Tshisekedi remplace les autorités civiles du Nord-Kivu et de l’Ituri par les forces armées du pays, appuyées par la Police nationale congolaise (PNC). Ces forces prennent le contrôle de tous les échelons administratifs. Pour l’occasion, deux gouverneurs militaires ont été nommés à la tête de ces régions par le biais d’une ordonnance du chef de l’Etat. « Mettre rapidement fin à l’insécurité qui décime quotidiennement la population locale », est la principale mission assignée à ces hommes.
« Cet état de siège est une chance pour que l’armée rétablisse la paix et la sécurité », a salué Jean-Pierre Bemba, le président du Mouvement de libération du Congo (MLC). En effet, il estime crucial que la police militaire puisse y être déployée afin de punir toute violation en sorte que cet état de siège n’encourage pas de la part des forces de sécurité des abus dont elles sont accusées depuis des années. Par ailleurs, il a nié les accusations d’un groupe d’experts de l’ONU selon qui le général Constant Ndima, nommé gouverneur militaire au Nord-Kivu, était impliqué dans des massacres en 2002 et 2003, affirmant qu’il n’y avait participé.
Depuis plus de vingt ans, la RDC n’a pas quitté la liste des crises humanitaires pour lesquelles l’ONU tente chaque année de mobiliser la solidarité internationale. Le 22 février, l’ambassadeur d’Italie en République démocratique du Congo (RDC), Luca Attanasio, a été tué lors d’une attaque armée contre un convoi onusien à une dizaine de kilomètres au nord de Goma, dans la province du Nord-Kivu. Occultée par l’émergence de nouveaux foyers de la faim au Sahel ou au Moyen-Orient, la dégradation de la situation, principalement dans l’est du pays du fait des violences, est passée sous les radars. En 2021, la RDC affronte pourtant la plus importante crise humanitaire au monde.
La cession complète de la région aux mains des militaires est une réponse proportionnelle face au pouvoir de la centaine de groupes armés qui gangrènent la région. Parmi eux, on compte les « Forces démocratiques alliées », des rebelles ougandais affiliés à l’Etat islamique (EI), les Forces démocratiques de libération du Rwanda, réfugiées dans les forêts du Kivu, mais aussi d’autres milices, attirées par la richesse des mines. Si ce volontarisme politique est salué par la société civile, qui attendait que les leaders nationaux prennent la mesure du problème, le doute plane encore sur l’efficacité qu’auront ces mesures. Selon certaines organisations internationales, les rebelles ougandais ont à leur actif plus de 6 300 assassinats, essentiellement des civils, depuis le début de leur activité en 1996. Pour autant, sur place, on s’autorise à y croire : rendez-vous donc le 6 juin 2021 pour constater si les forces négatives ont déposé les armes.