Aveu honnête, défense d’intérêts secrets ? « Nous avons une dette à l’égard de la Libye et des Libyens », a confié Emmanuel Macron, le président français, à l’issue d’une audience accordée au président du conseil libyen Mohammed El-Menfi. Le président français a par ailleurs promis un « soutien complet » aux nouvelles autorités libyennes qui ont pour mission d’organiser des élections nationales le 24 décembre. « Ce n’est pas simplement un soutien de mots ou de façade, c’est un soutien complet qui sera celui de la France », a-t-il soutenu. Car « nous avons une dette à l’égard de la Libye et des Libyens, très claire, qui est une décennie de désordre », a-t-il ajouté, faisant allusion au chaos et une guerre consécutifs à la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, renversé par son peuple après une intervention militaire occidentale, dont Paris était l’un des principaux acteurs.
Une décennie plus tard, le pays est toujours un grand bazar où sévissent une multitude de milices et de groupes armés. Une instabilité qui a du reste franchi les frontières pour submerger la bande sahélo-saharienne qui, du fait de l’explosion de l’Etat libyen, se trouve désormais en proie à une insécurité endémique. Si l’acte de contrition du président français n’est pas nouveau en soi, il intervient au moment où, après dix ans de confrontations armées entre le gouvernement d’union nationale de Fayez Al-Sarraj et les troupes du maréchal Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, une transition pacifique est en train de se mettre en place avec un gouvernement unifié qui a obtenu, le 10 mars, la confiance du Parlement. Le changement opéré en Libye est l’indicateur qui a décidé Paris à rouvrir à Tripoli son ambassade fermée depuis 2014.
On peut néanmoins se demander si c’est par simple bienveillance qu’Emmanuel Macron promet un soutien complet aux nouvelles autorités, lui qui dans un passé encore récent jouait un jeu trouble en soutenant l’ambitieux maréchal. En se rapprochant des nouvelles autorités de Tripoli, Paris pousse ses propres pions sur l’échiquier d’une Libye en cours de reconstruction dans l’espoir d’y jouer les premiers rôles, particulièrement pour les nombreux marchés qui se profilent à l’horizon. Alors les immenses réserves libyennes d’or noir valent bien un mea culpa présidentiel.
En évoquant une dette, le président Emmanuel Macron semble dire « donnez-moi une chance de me rattraper et de jouer un rôle dans la nouvelle Libye ». Mais si les compteurs semblent remis à zéro en Libye, il n’est pas certain que la France puisse reprendre pied dans ce pays et saisir toutes les opportunités qui sont offertes. Car pour cela, elle devra d’abord restaurer sa crédibilité entachée par son soutien politique et diplomatique au maréchal Haftar qui a été expulsé de l’équation libyenne par la force en mai-juin 2020. Et si Emmanuel Macron a évoqué une décennie de désordre en remontant jusqu’en 2011, c’est pour tenter de se démarquer de la politique et des choix de son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui a voulu renverser le colonel Kadhafi.