« Que Dieu vienne en aide au Liban », c’est par ces mots que Saad Hariri, le Premier ministre désigné le 20 octobre 2020, a conclu l’annonce de sa démission, le 15 juillet, depuis le palais présidentiel de Baabda. Dans les régions sunnites, la nouvelle a mis la rue en ébullition. Des groupes de jeunes ont aussitôt coupé les principaux axes routiers avec des pneus enflammés ou des ordures pour protester tant contre le départ du leader sunnite que contre la chute de la devise nationale, qui a sévèrement dévissé sur le marché noir, s’échangeant à près de 22 000 livres pour un dollar, soit quatorze fois le taux officiel. De quoi assommer encore plus les Libanais déjà frappés par de nombreuses pénuries (médicaments, carburant et électricité) associées à une hyperinflation et une fonte de leur pouvoir d’achat. Plus de la moitié de la population libanaise vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
Nommé il y a neuf mois pour succéder à Hassan Diab, qui avait démissionné le 10 août 2020, au lendemain de la double explosion au port de Beyrouth, Saad Hariri avait un défi de taille : former une équipe susceptible de lancer des réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer des aides. Mais cette étape a pris, comme toujours au Liban, une tournure partisane et confessionnelle, chaque communauté visant des ministères et s’accusant d’obstruction. Le 14 juillet, le chef de file de la communauté sunnite a remis sa deuxième proposition de gouvernement au président Michel Aoun, après une première mouture rejetée il y a quelques mois. Pour finalement jeter l’éponge le lendemain, après avoir rencontré le chef de l’Etat qui souhaitait amender la liste des ministrables. « Nous ne serons pas en mesure de nous mettre d’accord », s’est-il justifié, regrettant que le président Michel Aoun insiste pour obtenir « une minorité de blocage ». Estimant que Saad Hariri « avait déjà pris sa décision » avant leur entrevue, le président libanais a de son côté déploré qu’il se soit montré hostile à toute discussion. Il a par ailleurs indiqué que des consultations parlementaires visant à nommer un autre Premier ministre seraient convoquées « au plus vite ».
Réagissant à la démission de Saad Hariri, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, n’a pas mâché ses mots depuis l’ONU. Il a dénoncé « une autodestruction cynique » du pays par des dirigeants libanais « incapables de trouver une issue à la crise ». La France et les Etats-Unis, n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts, maniant à la fois le bâton des sanctions et la carotte des aides. Fait inédit, les deux pays ont même dépêché leurs ambassadrices respectives au Liban, à Riyad le 8 juillet dernier pour arracher le soutien, officiellement humanitaire et financier, du parrain saoudien en prélude de la prochaine conférence d’aide au Liban qui se tiendra le 4 août prochain.