« Nous saluons toujours l’initiative française (…) mais les intimidations du mois dernier ne doivent pas se poursuivre », a déclaré Hassan Nasrallah dans un discours télévisé. Si le chef du Hezbollah, a affirmé soutenir l’initiative de Paris réclamant la formation d’un gouvernement au Liban dans les plus brefs délais, il a toutefois réclamé une « révision » du ton et du mode opératoire. L’aide d’accord, les accusations, non. « Nous n’acceptons pas votre accusation de trahison (…) Nous rejetons et condamnons ce comportement condescendant », a-t-il ajouté. Le 27 septembre, amer et tendu, Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots lors de sa conférence de presse sur le Liban au lendemain de la démission de Moustapha Adib qui n’a pas réussi à former un gouvernement dans le temps imparti, selon un agenda fixé en partie par la France.
« J’ai honte pour vos dirigeants », annonça d’emblée Emmanuel Macron, face à l’échec des dirigeants libanais. Incapable de former un gouvernement, le Premier ministre Moustapha Adib s’est résolu a démissionné. Prenant acte, le président français a dénoncé une classe politique soumise au jeu mortifère de la corruption, et de la terreur. « Personne n’a été à la hauteur des engagements pris le 1er septembre dernier. Tous ont fait le pari du pire dans le seul but de se sauver eux-mêmes, de sauver les intérêts de leur famille, de leur clan », a constaté Emmanuel Macron. Il indexe particulièrement l’intransigeance du mouvement chiite Hezbollah qui voulait absolument tenir le ministère des Finances. « Le Hezbollah ne peut, en même temps, être une armée en guerre contre Israël, une milice déchaînée contre les civils en Syrie, et un parti respectable au Liban », a tranché le président français. Il compte maintenir une pression politique sur les dirigeants libanais, mais écarte pour l’instant de possibles sanctions.
« Les sanctions ne me paraissent pas être le bon instrument. A ce stade, je ne les exclus pas à un moment, et dans ce cas-là, nous nous concerterons avec d’autres », confie Emmanuel Macron. La priorité pour le moment : aider la population libanaise durement touchée par la crise économique et la double explosion du port de Beyrouth. La France accueillera au mois d’octobre une conférence de soutien avec les Nations unies et des organisations non gouvernementales afin de coordonner l’aide internationale au Liban.
Centraliser l’aide internationale envoyée au Liban en conditionnant son propre soutien à une profonde réforme du système de gouvernance libanais, est l’équation que tente de résoudre Emmanuel Macron. La volonté du dirigeant français est travestie par certains dirigeants libanais. Certains y voient, au fond, le rôle de parrain international, voire d’un retour d’un mandat français qui ne dit pas son nom. Certains dénoncent ainsi une vision néo-colonialiste de la France au Liban. C’est que l’existence même du Liban doit tout à la volonté de la France, qui, en 1920, a conçu ce territoire comme un sanctuaire pour les chrétiens de la région.
A la demande du patriarche maronite de l’époque, la France avait même adjoint des territoires non-maronites au nouvel Etat, de manière à assurer son avenir alimentaire et économique. Paris avait eu la même approche avec la minorité alaouite, à qui elle avait offert un éphémère Etat. Le Liban constitue la marque indélébile de la politique confessionnelle de la France dans la région après la première guerre mondiale, alors que les puissances victorieuses se partageaient les dépouilles de l’Empire ottoman. Et la communauté maronite s’est habituée à voir en Paris davantage qu’un parrain : un protecteur.