Le procès en appel du vice-président de la Guinée équatoriale, dans le cadre de l’affaire dite des « biens mal acquis », s’est ouvert le 9 décembre en France.
Il y a deux ans, Teodorin Obiang Nguema avait été condamné à trois ans de prison avec sursis et à 30 millions d’euros d’amende, également avec sursis, et la confiscation de ses biens estimés à plus de 150 millions d’euros, dans le cadre de l’affaire dite des « biens mal acquis ». La justice française l’avait reconnu coupable de blanchiment notamment de corruption. Les premières journées ont été consacrées aux questions de procédure. La première question portait sur la tenue même du procès. La défense demandait qu’il soit reporté en attendant une décision de la Cour internationale de justice (CIJ), saisie par la Guinée équatoriale qui s’oppose à la France sur le statut d’un bien central dans ce dossier : un immeuble de 4 000 mètres carrés de l’avenue Foch dans le XVIe arrondissement de Paris estimé à 107 millions d’euros et actuellement saisi.
Pour la défense, cet immeuble est une représentation diplomatique donc inviolable et non confiscable au titre la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, tandis que la France ne lui reconnaît pas ce statut et que la partie civile dénonce une manœuvre grossière pour faire bénéficier l’appartement de Teodorin Obiang d’une couverture diplomatique. Par ailleurs en tant que vice-président de son pays, il devrait bénéficier de l’immunité, selon ses avocats. « On cherche à refuser à la République de Guinée équatoriale ce que l’ensemble des pays du monde entier obtiennent parce que c’est le droit international : c’est l’immunité », souligne Me Emmanuel Marsigny.
Sur l’immunité des chefs d’État
L’immunité des chefs d’État est un principe du droit international public qui veut qu’un chef d’État en exercice ne puisse être forcé de comparaître devant aucune instance étrangère ni être sanctionné, civilement ou pénalement par une telle instance. Le principe de l’immunité des chefs d’État est fondé sur ce qui est appelé le comitas gentium : le respect mutuel de chaque État à l’endroit des représentants des autres États qui bénéficient de la souveraineté étatique et qui reconnaît ce même État. C’est ce même principe qui fonde les relations diplomatiques entre États.
Le droit interne de la plupart des pays du monde organise de façon particulière la justiciabilité du chef de l’État. Certains instituent même une totale immunité pour le chef d’État devant les tribunaux de son propre pays. La constitution française prévoit pour le président de la République une immunité partielle.
Réaction des autorités Équato-guinéennes
Selon le président de la République, l’affaire dite des « biens mal acquis » est une violation du droit international et dénote d’une justice impérialiste. Raison pour laquelle l’affaire a été portée devant la CIJ pour que l’immeuble de l’avenue Foch à Paris soit reconnu comme une représentation diplomatique inviolable et non confiscable au titre la convention de Vienne.
Le protocole de signature facultative à la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, concernant le règlement des différends est la base granitique de compétence de la CIJ. Ratifiée par la Guinée équatoriale et la France, son article premier alinéa i stipule que : « L’expression « locaux de la mission » s’entend des bâtiments ou des parties de bâtiments et du terrain attenant qui, quel qu’en soit le propriétaire, sont utilisés aux fins de la mission, y compris la résidence du chef de la mission ». Son article 22 avec ses 3 alinéas, met en lumière les dispositions violées par la justice de France : « 1. Les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’État accréditaire d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission. 2. L’État accréditaire a l’obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie. 3. Les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution ». Dès lors l’on comprend aisément pourquoi la cour d’appel a finalement rejeté la demande de report introduite par les avocats de la Guinée équatoriale.