« Un citoyen étranger a été détenu à Bangui avec une énorme quantité d’armes et de munitions », a annoncé Valéry Zakharov, le conseiller russe du président centrafricain Faustin Archange Touadéra, sur son compte tweeter, le 10 mai. Quelques temps plus tard, les images du ressortissant français et ses effets deviennent virale sur les réseaux sociaux. Juan Rémy Quignolot, l’allure sportive, mâchoire serrée et visage fermé, est présenté à la devant les locaux de l’office central pour la répression du banditisme (OCRB), une unité spéciale de la police centrafricaine. A l’exception notable de la chemisette à fleur, l’homme a tout du militaire « en civil ». A ses pieds sont étalés, placés bien en évidence, les nombreuses pièces d’un véritable arsenal de guerre. Fusils mitrailleurs, pistolets, fusil à lunettes, munitions diverses en grand nombre. Il y a aussi du matériel de bivouac, des lampes électriques aux sacs de couchage en passant par les rangers et autres capes de pluie couleur kaki, que l’on imagine fort utile dans les forêts centrafricaines, où la saison des pluies a démarré il y a quelques semaines. De quoi équiper une bonne escouade.
« L’homme répondant au nom de Juan Rémy Quignolot était suivi par la police qui a demandé au parquet d’ordonner une perquisition à son domicile », a confié Eric Didier Tambo, le procureur général près la Cour d’appel de Bangui. « Nous sommes tombés sur des effets militaires, et aussi sur des billets de banque qui circulent en République centrafricaine et en Afrique de l’Ouest, des dollars et même des euros », a-t-il poursuivi. Eric Didier Tambo soupçonne cet individu d’avoir été membre en 2013 des encadreurs de la Séléka. Autre fait marquant, son arrestation coïncide avec celle de Dieudonné Ndomaté, un ancien ministre proche de François Bozizé, le nouveau coordonnateur de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). De son côté, Paris dénonce une « instrumentalisation manifeste de cette arrestation ». Un langage diplomatique qui semble traduire dans une certaine mesure la perte d’influence de la France en République centrafricaine, au profit d’une puissance qu’elle ne désigne pas mais qui ne fait aucun doute.
« Les informations personnelles de cette personne ont été immédiatement rendues publiques par le biais de réseaux de désinformation liés à la promotion d’intérêts bien identifiés qui sont habitués à viser la présence et l’action de la France en République centrafricaine », a dénoncé la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, le 12 mai, lors d’une conférence de presse. Au cours de cette sortie médiatique, le Quai d’Orsay a annoncé exercer la protection consulaire envers Juan Rémy Quignolot qui a déclaré au procureur être retraité de l’armée française. Sans la nommer, Paris dénonce dans cette affaire la main de Moscou, sur ce territoire qui faisait encore partie il y a quelques années, de ce qu’on a longtemps appelé en Afrique, le pré carré français.
Cette affaire met en lumière l’influence grandissante de la Russie en Centrafrique. Débutée il y a un peu plus de trois ans, la coopération militaire avec le gouvernement du président Faustin Archange Touadéra permet aujourd’hui à la Fédération de Russie d’être solidement implantée dans le pays. Ces derniers mois, la République centrafricaine apparaît de plus en plus comme l’un des symboles forts de la présence russe sur le continent. Et c’est en janvier 2018, grâce à une livraison d’armes présentée comme un don du gouvernement russe, qu’a été scellé ce rapprochement entre les deux pays.