L’ancien président de la République française, mort le 26 septembre à l’âge de 86 ans, nourrissait une vision très forte, affective, paternaliste et parfois passéiste sur les relations entre la France et l’Afrique.
« Votre présence témoigne de la relation d’exception entre la France et l’Afrique. Elle me touche d’autant plus que j’ai tissé, de longues dates, des liens personnels avec beaucoup d’entre vous et vous le savez, j’aime et je respecte l’Afrique », déclarait Jacques Chirac. C’était à Cannes le 15 février 2007, lors du 24e sommet France-Afrique. Le dernier pour le président français à deux mois de la fin de son second mandat, et malade depuis son accident vasculaire cérébral de 2005. Le thème du sommet de Cannes marquait justement l’ouverture d’une nouvelle époque pour tourner la page Chirac. 31 chefs d’Etat, 9 délégations dont la chancelière allemande Angela Merkel, présidente de l’Union Européenne (UE) et du G8, et Louis Michel, le commissaire européen au Développement. Des délégations venues réfléchir sur : « la place de l’Afrique et de ses matières premières dans la mondialisation et les rapports avec la société de l’information ». Sur le continent certains voulaient déjà voir la fin des réseaux de la Françafrique et l’installation pleine et entière de l’UE dans les discussions avec l’Afrique.
Lors de ce sommet, Jacques Chirac faisait ses adieux aux dirigeants Africains avec lesquels il a tissé une relation charnelle. Cette relation franche, un peu brusque parfois a été largement appréciée en Afrique. En visitant 40 pays sur le continent, Jacques Chirac a véhiculé sa vision d’un gaullisme triomphant à travers une politique assimilationniste. Il aimait les Africains qui aimaient la France. Il admirait les Africains francophiles. De ce fait, il n’a pas fovorisé un renouvellement des relations entre la France et l’Afrique face à la mondialisation, préférant jouer les paternalistes selon certains observateurs.
Après son élection à la mairie de Paris en 1997, il s’est construit un réseau exceptionnel avec Jacques Foccart, l’incarnation de la Françafrique, dont il est devenu un inconditionnel continuateur. Houphouët Boigny, Gnassingbé Eyadema, le roi Hassan II, Omar Bongo, Abdou Diouf, Ben Ali, Denis Sassou Nguesso et plus tard Paul Biya étaient ses véritables amis sur le continent. Des amis à l’endroit desquels il a souvent eu de petites phrases : « la démocratie est un luxe pour les Africains », ou encore : « il faut laisser les présidents Africains gagner des élections sinon ils n’en feront plus ».
Ses visites au Cameroun
Lors de sa première visite au Cameroun en juillet 1999, Jacques Chirac se fait accompagner entre autres, de sportifs de haut niveau tels que Roger Milla et Yannick Noah. Il déclare : « solidaires, nous le sommes avec le Cameroun dans les moments difficiles, en répondant aux situations d’urgence comme ce fut le cas lors de la terrible catastrophe de Nsam. Nous le sommes en accompagnant chaque jour votre pays dans la voie de son développement ». Ecourtée à cause du décès du roi Hassan II du Maroc, promesse est faite de la poursuivre plus tard.
La promesse est tenue à l’occasion du 21e sommet France-Afrique de janvier 2001 à Yaoundé, après lequel le président français s’était offert un safari dans le septentrion camerounais. Dans le grand stade de Garoua, il est aux premières loges pour assister à une fantasia de bienvenue. Il balaie du revers de la main les critiques faites au régime de Yaoundé en déclarant : « si la France a vocation à aider l’Afrique, elle n’a pas vocation à faire de l’ingérence. Et elle n’a pas du tout l’intention de le faire ».
Les hommages
L’annonce du décès de celui qui aura gravi tous les échelons au cours de 40 ans de vie en politique : de conseiller municipal de Sainte-Féréole en Corrèze en 1965, à président de la République française de 1995 à 2007, a été faite par M. Salat-Baroux, époux de sa fille Claude. De nombreux hommages ont alors suivi à travers le monde entier.
En France, le président Emmanuel Macron a conclu son adresse à la nation en ces termes : « je veux en votre nom dire à Madame Chirac, notre amitié et notre respect, dire nos condoléances à sa fille, son petit-fils et sa famille et à tous ses amis et ses proches. Ils ont accompagné tant de ses combats et l’ont tant protégé. (…) Il entre dans l’Histoire et manquera à chacun d’entre nous désormais». La journée du 30 septembre 2019 est déclarée jour de deuil national. Les portes du palais de l’Elysée sont ouvertes pour des hommages populaires.
« Le Président Jacques Chirac que j’ai bien connu, était un ami et avait un profond attachement à l’Afrique.Avec sa disparition, l’Europe perd l’une de ses plus éminentes personnalités de ces dernières décennies, et le monde un fervent artisan de la paix », témoigne le président camerounais Paul Biya.
Le président Congolais, Denis Sassou Nguesso, a déclaré : « je ne le trouvais pas paternaliste. Je dirais qu’il était sincère et direct. Il a ouvert la France à l’Afrique comme à Cannes où il nous a pratiquement dit au revoir ».
L’ancien président ivoirien, Henri Konan Bédié, voit en lui un sauveur. « Je me souviens que le président Chirac m’a sauvé la vie après le complot qui a abouti au coup d’Etat militaire de 1999, le premier en Côte d’Ivoire, dont les effets négatifs et déstabilisants sont toujours présents dans la vie politique de la Cote d’Ivoire. C’est avec tristesse que j’ai appris la disparition de ce grand homme d’Etat qui demeure un modèle de courage, de lucidité, de persévérance en dépit d’échecs répétitifs », a-t-il déclaré.
En Côte d’Ivoire, Jacques Chirac ne s’est pas fait que des amis. Longtemps avant la mort de l’ancien président français, Laurent Gbagbo, ancien président ivoirien, ne décolérait pas. Pour lui, la France est à l’origine non seulement de sa situation actuelle, mais aussi de son départ du pouvoir. Il a pointé du doigt Jacques Chirac qui selon lui était de mèche avec les rebelles de 2002.