Le président tchadien a ajouté, le 26 juin dernier, un nouveau titre frais émoulu pour services rendus à la nation. L’Assemblée institution ayant décerné cette distinction au chef de l’Etat a pris soin d’indiquer qu’elle ne constitue pas un grade de la hiérarchie militaire.
Pas de comparaison qui tienne avec Jean-Bedel Bokassa de la République centrafricaine, ni Idi Amin d’Ouganda, encore moins avec Mobutu Sese Seko du Zaïre, l’actuelle République démocratique du Congo. « C’est une élévation consacrée, prévue dans nos textes. Il n’est pas maréchal dans l’armée, ce n’est pas un grade, c’est une dignité par rapport à tout son parcours », explique Jean-Bernard Padaré, le porte-parole du Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti au pouvoir et majoritaire à l’Assemblée nationale du Tchad. Pourtant pas à l’ordre du jour, la résolution a été votée le 26 juin 2020 par la majorité des députés. Le président de la République a été élevé au titre honorifique de maréchal du Tchad pour « services rendus à la nation ». Cette promotion honorifique du président était accompagnée d’une série de décorations de responsables ayant participé à l’opération « colère de Bohoma », dans une atmosphère de recueillement en mémoire des soldats martyrs du 23 mars 2020. Bien que couronnée par un franc succès, cette opération a été particulièrement sanglante avec la mort d’une centaine de soldats.
Le Tchad payait alors un lourd tribut dans cette lutte contre le terrorisme, tant au sein de la force conjointe du G5 Sahel que dans le cadre du bras de fer avec Boko Haram. Le président Idris Déby Itno en récolte aujourd’hui les lauriers. Pour le président du groupe parlementaire du MPS, Kolotou Tchaïmi, le chef de l’Etat tchadien est « le seul président en exercice qui ait pris une arme lui-même » et qui soit descendu « sur le terrain » pour « combattre au même titre qu’un simple soldat ».
Mais les élus de l’opposition ont vivement dénoncé cette nomination en quittant la salle au début de la séance du 26 juin. « Ce titre est anachronique », s’indigna Saleh Kebzabo, le chef de file de l’opposition tchadienne et président de l’Union nationale pour la développement et le renouveau (UNDR). « Quand on entend ce titre de maréchal, ça fait sourire, ça ne fait pas rire. Ce n’est pas au goût du jour ni du temps. Quand vous dites maréchal aujourd’hui en Afrique, on pense à Bokassa, on pense à Idi Amin, on pense à Mobutu, personnage loufoque. Mais malheureusement pour nous, le parti au pouvoir démontre que le Tchad est à ce niveau parce que le président Déby, chef des armées, n’a pas besoin d’un autre titre, fut-il honorifique », argumentait le président de l’UNDR. Pour l’opposition, le président Idriss Déby, 68 ans, arrivé au pouvoir par les armes il y a près de 30 ans, rappelle que la guerre n’est toujours pas terminée dans son pays.