Depuis sa résidence cossue de Ouaga 2000 aux côtés de sa compagne Burkinabè, l’ex-chef de la junte rassemble les pièces du puzzle d’un retour gagnant à Conakry lors de la présidentielle de 2020.
La page de sa blessure à la tête semble définitivement tournée, emportant avec elle l’histoire de l’ex-chef de la junte. Aujourd’hui âgé d’une cinquantaine, Dadis Camara expérimente une véritable renaissance à Ouagadougou au Burkina Faso. Sous la protection des forces de sécurité burkinabè, converti au christianisme, il jouit des droits que lui confèrent son statut d’ancien chef d’État. Ses propos millimétrés, sa présence dans les réseaux sociaux sont autant d’indices que l’homme fort de Guinée, entre le 23 décembre 2008 et le 15 janvier 2010, se construit une image d’homme d’État pour réussir là où il a échoué en 2015.
Sur les pas de Lansana Conté
Comme en mai 2015, il bénéficie de la confiance des Forces patriotiques pour la démocratie et le développement. Sur Facebook sa page dénommée « Moussa Dadis Camara président 2020 ou Rien », donne une idée nette sur ses intentions pour la présidentielle à venir dans son pays. Le 14 octobre 2019, avec les journalistes du groupe Hadafo médias, il est revenu sur les valeurs qui fondent sa popularité auprès de l’armée.
Directeur général des essences et lubrifiants à l’intendance militaire des forces armées en 2008, le capitaine Moussa Dadis Camara aide socialement ses camarades militaires. « Pour qu’ils n’aillent pas chercher une hypothétique aide hors du camp, je leur venais financement en aide lorsqu’ils avaient des problèmes», reconnaît-il. Cette façon de gérer les fonds sous sa responsabilité lui a valu une popularité et des rivalités. Accusé de fomenter un coup d’État, c’est justement le général Lansana Conté qui ordonna la levée des charges pesant contre lui et la réhabilitation à son poste. « C’est depuis ce jour là que j’ai compris qu’il me préparait à lui succéder », révèle celui qui refuse d’assimiler son séjour burkinabè à un exil. Le petit vendeur de colas pendant les pauses de son cycle primaire doit sa popularité d’aujourd’hui à la rigueur de son éducation, à sa loyauté et à l’assistance sociale dont il a fait preuve lors de son passage à l’intendance militaire des forces armées.
En bon termes avec les autorités de son pays d’accueil, Dadis Camara suit de près l’évolution tumultueuse de la vie politique de son pays. « Je dis non et non à une nouvelle constitution en Guinée », martèle-t-il. Plus loin il tacle sévèrement le président Alpha Condé. « En 2009 je disais aux Guinéens que beaucoup parlent de la démocratie mais ils ne sont pas des démocrates et qu’ils ne le seront jamais. Aujourd’hui le peuple a compris », tranche-t-il. Alpha Condé dont le deuxième mandat s’achève en octobre 2020, au pouvoir depuis 2010, n’a jamais officiellement vu d’un mauvais œil le retour de Moussa Dadis Camara dans l’arène politique.
Un parcours mouvementé
Après un baccalauréat en sciences mathématiques décroché au lycée Samory Touré, il intègre l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry en 1986 et en ressort nanti d’une licence en économie et finances. Inspiré par Blaise Compaoré, il intègre l’armée guinéenne en 1990 et entame une formation de base à Kindia, à 137 kilomètres de la capitale. S’ensuit alors une carrière jonchée de promotion et formation à l’étranger, notamment en Allemagne.
Quelques heures après l’annonce de la mort de Lansana Conté, les Guinéens découvrent le capitaine Dadis Camara qui annonce la suspension de la constitution et de toutes les institutions républicaines, et la dissolution du gouvernement. Il instaure un système d’assainissement de la morale publique, approuvé par la majorité de ses compatriotes.
Le 28 septembre 2009 à la suite d’un meeting organisé dans l’enceinte du plus grand stade de Conakry, l’armée guinéenne tire à balles réelles sur les manifestants, occasionnant plus d’une centaine de morts selon des organisations de défense des droits de l’Homme. Ce massacre engendre la démission du porte-parole du gouvernement et des ministres de l’Agriculture et de la Fonction publique, fait sans précédent en Guinée. C’est le début des ennuis du capitaine Moussa Dadis Camara.
Le 3 décembre 2009, dans des circonstances à élucider, Moussa Dadis Camara est atteint à la tête et au cou par les balles de son aide de camp et chef de de la garde présidentielle Aboubacar Diakité. Il est évacué au Maroc. Le 12 janvier 2010, il rejoint le Burkina Faso d’où il annonce trois jours plus tard son renoncement du pouvoir pour des raisons de santé. Le 8 juillet 2015, il est entendu dans la capitale burkinabè par des juges guinéens enquêtant sur le massacre d’opposants en septembre 2009. Au cours de cette audition, le capitaine Camara est inculpé pour cette violente répression qui avait entraîné la mort de plusieurs personnes dans le stade de Conakry.