Vers 8 heures, des tirs nourris d’armes automatiques ont retenti dans le centre de Conakry, aux alentours du palais présidentiel où se trouvait le chef de l’Etat, Alpha Condé, 83 ans. En début d’après-midi, le meneur de ce qui se révèle être un coup d’Etat, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, est apparu sur une vidéo circulant sur les réseaux sociaux. Il y affirme détenir le chef de l’Etat. « Nous avons décidé, après avoir vu le président qui est avec nous, de dissoudre la constitution en vigueur, dissoudre le gouvernement, et la fermeture des frontières terrestres et aériennes », a déclaré le putschiste, justifiant ce revirement politique par « le dysfonctionnement des institutions républicaines », « l’instrumentalisation de la justice » et « le piétinement des droits des citoyens ».
Ancien légionnaire de l’armée française, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya commande le groupement des forces spéciales (GPS), une unité d’élite de l’armée extrêmement entraînée et équipée. Il aurait tenté, ces derniers mois, de renforcer l’indépendance du GPS vis-à-vis du ministère de la Défense, suscitant de facto la méfiance de l’exécutif. En mai, des rumeurs auraient même fait état, à tort, d’une possible arrestation de Mamady Doumbouya à Conakry.
Des habitants joints au téléphone, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat pour leur sécurité, ont rapporté avoir vu de nombreux soldats intimant aux résidents de rentrer chez eux et de ne pas en sortir. La presqu’île de Kaloum, centre de la capitale guinéenne où siègent la présidence, les institutions et les bureaux d’affaires, a un accès restreint du fait de sa géographie, permettant facilement un blocage par des troupes armées.
Aucune réaction des autorités n’a été formulée l’arrestation du président Alpha Condé qui a été définitivement proclamé président pour un troisième mandat le 7 novembre 2020, malgré les recours de son principal challenger, Cellou Dalein Diallo, et de trois autres candidats qui dénonçaient des «bourrages d’urnes» et des irrégularités de toutes sortes. En poste depuis 2010, la candidature du chef de l’Etat à un troisième mandat, après une réforme de la constitution fortement controversée, avait provoqué avant et après l’élection des mois de tensions qui ont causé des dizaines de morts dans un pays coutumier des confrontations politiques sanglantes.