L’accusation a été portée lundi 22 juillet 2019 par un militaire gambien au cours d’une audition publique devant la Commission vérité et réconciliation (TRRC).
16 décembre 2004 à Banjul. « Nous avons tiré, moi, Alieu Jeng et Sana Manjang ». Le lendemain, le commandant du groupe, le capitaine Tumbul Tamba, « qui n’a pas tiré parce que c’est lui qui donnait les ordres », m’a remis une « enveloppe contenant des dollars ». « Il nous a dit qu’il s’agissait d’un geste d’appréciation de la part du grand homme». Interrogé par un membre de la Commission sur qui était ce « grand homme », le militaire a affirmé qu’il s’agissait du « président ». Tels sont les faits relatés dans leurs sacralité et froideur par le lieutenant Malick Jatta, en détention depuis le 8 février 2017, constituent le film de l’assassinat de Deyda Hydara. Journaliste critique envers le régime de Yahya Jammeh, agé de 58 ans, père de quatre enfants, cofondateur du journal privé The Point, et correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) durant 30 ans et de Reporters sans frontières (RSF) en Gambie, où il était considéré comme le doyen de la profession.
Alieu Jeng, autre militaire, est également en détention, tandis que le troisième, Sana Manjang, serait en fuite en Guinée-Bissau.
Instituée par une loi en décembre 2017 et composée de 11 membres, la TRRC, qui enquête sur les crimes présumés commis pendant les 22 ans du régime de Yahya Jammeh, en exil en Guinée Equatoriale, a entamé ses auditions en janvier 2019.
L’assassinat révélé le 22 juillet 2019 n’est que la face visible de l’iceberg que constituent les escadrons de terreur du régime de Yahya Jammeh.
Un régime de terreur
Arrivé au pouvoir par un putsch sans effusion de sang en juillet 1994 dans ce petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest, Yahya Jammeh s’était fait élire une première fois en 1996 puis réélire sans interruption jusqu‘à sa défaite en décembre 2016 face à l’opposant Adama Barrow.
Les défenseurs des droits de l’Homme accusent le régime de Yahya Jammeh de tortures systématiques d’opposants et de journalistes, d’exécutions extra-judiciaires, de détentions arbitraires et de disparitions forcées.
L’ancien président a été accusé fin juin par trois Gambiennes, dont une ancienne reine de beauté, de les avoir contraintes à des relations sexuelles en usant de pressions morales, financières ou physiques lorsqu’il était au pouvoir.
En 2017, des ONG et des associations de victimes, dont la fille de Solo Sandeng, un opposant mort en détention en avril 2016, et le fils de Deyda Hydara, ont lancé la campagne internationale “Jammeh2Justice” pour traduire en justice l’ex-président.
Interrogé début 2018 sur une éventuelle demande d’extradition de Yahya Jammeh, Adama Barrow a répondu qu’il attendrait la fin des travaux de la TRRC pour se prononcer.