Détracteur pur jus de la devise, le « collectif Sortir du franc CFA » redoute une déstabilisation des économies du fait de la précipitation et des élections présidentielles prévues en 2020 dans plusieurs pays de la région.
Le lancement d’une monnaie unique devant remplacer le franc CFA au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a été repoussé au moins quatre fois depuis 1983. La prochaine échéance fixée en 2020 semble semer plus de doute que d’assurance, et ce, dans le camp de ses plus grands zélateurs.
Fidèle à ses fondamentaux, parlant de la future monnaie unique, le « collectif Sortir du franc CFA » déclare : « la création de cette monnaie unique pourrait être un évènement politique majeur vers une intégration des économies de nos différents pays et porterait un coup fatal au franc CFA ». Dans ce communiqué datant du 16 septembre, le collectif est moins euphorique et construit son argumentaire sur un manque de maturation du projet : « la précipitation imposée par ce délai irréaliste risque de bâcler la mise en place d’une monnaie unique au sein de la CEDEAO », d’une part, et un agenda électoral particulièrement chargé en 2020 : « 2020 sera une année électorale dans nombre de pays de la CEDEAO, c’est le cas au Togo, au Niger, et en Côte d’Ivoire », d’autre part.
Les coulisses des préparatifs
La vingtaine d’universitaires et de dirigeants des banques centrales des quinze pays de la CEDEAO a tablé, le 1er avril, sur deux problématiques essentielles. Réfléchir à « la sélection d’un consultant en vue de développer le design et le symbole de la monnaie unique de la CEDEAO ». « Discuter du nom » de cette devise, censée refléter les valeurs de la communauté. À croire que l’ECO, nom toujours avancé jusque-là pour désigner la future monnaie unique, est abandonné.
Une importante étude a été lancée concernant trois questions majeures. Le régime de change de la future devise commune sera-t-il fixe, comme le franc CFA ; flexible comme le franc guinéen ? La future banque centrale sera-t-elle indépendante des États et des parlements, interventionniste ou restera-t-elle plus en retrait ? La politique monétaire qui sera mise en œuvre donnera-t-elle, par exemple, la propriété à la stabilité des prix ou à la croissance ? Le rapport de cette étude était attendu pour le mois de juin.
Les principaux critères de convergence : réserves de change couvrant au moins trois mois d’importations ; déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB ; inflation inférieure à 10%, ne sont pas respectés par la majorité des utilisateurs de la future monnaie unique.
La grande hétérogénéité des réactions aux chocs macroéconomiques entre les pays de la zone franc CFA et leurs voisins du reste de la CEDEAO, ne simplifie pas l’adoption d’une monnaie commune.
Qui sont prêts ?
Les retards s’accumulent, les cafouillages se multiplient. À l’issue d’un entretien à Paris avec Emmanuel Macron, le 9 juillet, Alassane Ouattara a déclaré : « les chefs d’États de la CEDEAO ont décidé qu’ensemble, à 15, nous allons mettre en place une nouvelle monnaie qui s’appelle l’ECO. La Côte d’Ivoire respecte les critères de convergence pour 2020, d’autres les respectent, mais de nombreux pays ne les respectent pas ». Plus loin, il a averti : « il faudrait que les critères de convergence soient atteints par tous les pays avant d’y aller ». De tous les bords, la prudence reste donc le maître mot.