Le 45e président a signé, le 11 juin dernier, un décret infligeant des interdictions de visa ainsi que des sanctions économiques aux employés de la Cour pénale internationale. L’administration Trump s’oppose ainsi à l’ouverture d’une enquête pour crimes de guerre en Afghanistan.
« Le président Trump a autorisé des sanctions économiques contre des responsables de la Cour pénale internationale qui prendraient part directement à tout effort pour enquêter sur des militaires américains, ou pour les inculper, sans le consentement des Etats-Unis », a annoncé la Maison Blanche dans un communiqué. Réagissant à la communication de l’administration Trump, le président de l’assemblée des Etats parties de la Cour pénale internationale (CPI), le juge O-Gon Kwon, a dans un communiqué rejeté ces sanctions, qui « entravent notre effort commun pour combattre l’impunité et garantir la mise en œuvre de l’obligation de rendre compte d’atrocités de masse. Il s’agit des dernières d’une série d’attaques sans précédent contre la CPI, une institution judiciaire internationale indépendante ». Il poursuit en soulignant que « ces attaques constituent une escalade et une tentative inacceptable de porter atteinte à l’Etat de droit et aux procédures judiciaires de la Cour ». Les situant dans leur contexte, le communiqué précise qu’ « elles sont annoncées dans le but déclaré d’influencer les actions des responsables de la CPI dans le cadre des enquêtes indépendantes et objectives et des procédures judiciaires impartiales de la Cour ».
Comprendre la décision de Donald Trump
Les mesures prises par le président américain sont une riposte directe à la décision en appel prise en mars par la CPI d’autoriser l’ouverture d’une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Afghanistan. L’enquête souhaitée par la procureure Fatou Bensouda, vise entre autres des exactions qui auraient été commises par des soldats américains dans le pays où les Etats-Unis mènent une guerre depuis 2001. Des allégations de tortures ont également été formulées à l’encontre de la CIA.
Les Etats-Unis, qui ne sont pas partie au Statut de Rome de la Cour, contestent la compétence de la CPI pour juger les ressortissants de pays non membres, en l’absence de saisine de la Cour par le Conseil de sécurité des Nations unies. « Nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que nos gars sont menacés par un tribunal bidon et nous ne le ferons pas », a martelé le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo. Néanmoins, l’Afghanistan est un pays membre de la CPI, ce qui lui confère l’autorité de mener des enquêtes et des poursuites judiciaires pour des crimes commis par ses ressortissants ou toute autre personne sur le territoire afghan.
Déjà en mars 2019, Mike Pompeo a expliqué clairement que les États-Unis prendraient de nouvelles mesures si la CPI passait à l’étape suivante dans le cadre des enquêtes sur les ressortissants américains. Outre les interdictions de voyager, il avait brandi la menace de poursuites judiciaires et de sanctions financières contre le personnel de la CPI, mais aussi contre les pays et entreprises qui apporteraient leur aide aux enquêtes sur les ressortissants américains. Il avait averti que les Etats-Unis reprendraient leurs efforts, abandonnés depuis longtemps, de négociation d’accords avec d’autres pays afin que les ressortissants américains ne soient pas livrés à la Cour, et qu’ils remettraient en question leurs liens avec d’autres Etats, sur le plan diplomatique, militaire et des renseignements, si ces derniers coopéraient avec la CPI lors d’enquêtes sur les Etats-Unis ou leurs alliés.
Une décision saluée par Israël
Israël pourrait faire l’objet d’investigations pour crimes de guerre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza par la CPI. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a aussitôt salué la décision de son allié Donald Trump, dénonçant une cour « politisée » qui mène « une chasse aux sorcières contre Israël et les Etats-Unis » mais « ferme les yeux sur les pires fossoyeurs des droits humains au monde parmi lesquels le régime terroriste en Iran ». Très vite, les Etats-Unis et leurs alliés se sont mis à dos l’Union européenne (UE) et les organismes de défense des droits de l’homme.
« Cette attaque contre la CPI vise à nier toute justice pour les victimes de crimes graves en Afghanistan, en Israël ou en Palestine. Les pays qui soutiennent la justice internationale devraient s’opposer publiquement à cette tentative flagrante d’obstruction », a insisté Andrea Prasow, membre de l’organisation Human Rights Watch. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a estimé que le geste américain était « un sujet de très grande préoccupation » et a réitéré le « soutien » de l’UE à la CPI.