Lundi 3 août dans une lettre adressée à son fils, le souverain Felipe VI, l’ancien monarque annonçait son intention de quitter l’Espagne. Une volonté acceptée par le destinataire. Depuis le mois de juin, Juan Carlos fait l’objet d’une enquête pour corruption. Il est accusé d’avoir reçu une importante commission lors de l’attribution de la construction d’une ligne de train à grande vitesse en Arabie saoudite.
« Guidé par la conviction de rendre le meilleur service aux Espagnols, à leurs institutions, et à toi en tant que roi, je t’informe de ma décision réfléchie de quitter, en ce moment, l’Espagne », a écrit Juan Carlos, cité dans un communiqué de la maison royale. Décision prise devant « les conséquences publiques de certains événements passés de ma vie privée », a-t-il ajouté. Du haut de ses 82 ans, Juan Carlos a marqué l’histoire de l’Espagne. Aujourd’hui encore, les Espagnols se souviennent de lui comme le roi qui a instauré la démocratie après la mort du dictateur Franco en 1975. Juan Carlos incarnait alors la capacité d’unir les forces politiques et de créer un consensus en vue de la mise en place de la démocratie espagnole.
A l’annonce de son départ, beaucoup de citoyens sont surpris. Sa transition vers la démocratie a valu à l’ex-souverain une grande popularité. Puis, son image a été ternie par les rumeurs sur ses nombreuses conquêtes féminines, et des soupçons de corruption. Certains Espagnols se réjouissent de son départ. D’autres citoyens jugent l’exil de Juan Carlos injustifié et soupçonnent l’ex-roi de vouloir échapper à la justice. Afin d’éviter que ces accusations de corruption ne ternissent l’image de la monarchie, l’actuel roi Felipe VI a salué la décision de son père de quitter le pays.
Certains médias espagnols affirment que Juan Carlos se trouve actuellement en République Dominicaine, après une escale au Portugal. Certains observateurs affirment que l’ancien monarque a été forcé à partir. « C’est une conjuration qui est à la fois familiale et gouvernementale », affirment-ils. Ils soutiennent que le roi Felipe VI avait besoin que la pression sur l’institution monarchique descende. Le gouvernement aurait préparé la décision de Juan Carlos, qui, selon sa lettre, « n’est pas une décision personnelle ». Juan Carlos dit partir avec énormément de tristesse et qu’il a le sentiment d’avoir servi l’Espagne, d’avoir accompli son devoir. Il y aurait donc une sorte de mea culpa dans cette lettre, mêlée à une revendication de son rôle historique et de sa légitimité.
Le départ de Juan Carlos est enfin perçu comme une déchéance au moment où, portée par la monarchie, la démocratie libérale espagnole est très attaquée par l’extrême gauche. La monarchie fait partie du pacte démocratique et le vrai rôle de Juan Carlos a été d’unir une Espagne qui sortait d’une dictature. Le miracle qu’a réussi Juan Carlos c’est de faire en sorte que les premières élections libres de 1977 se soient faites avec toutes les forces politiques y compris les communistes. Pour le moment Juan Carlos parle d’un départ, d’un déplacement, ce qui laisse ouvert la possibilité d’un retour.