En marge de l’élévation au cardinalat de son compatriote Mgr Fridolin Ambogo, le président de la République démocratique du Congo s’est confié à Radio Vatican en levant le voile sur l’état de ses relations avec l’église.
Pour son élévation au cardinalat par le pape François au Vatican, le 5 octobre 2019, l’archevêque de Kinshasa Mgr Fridolin Ambongo a reçu le soutien de ses compatriotes en tête desquels, le président Félix Tshisekedi. « C’est un bon signe qui indique que nous devons collaborer et le président de la République c’est-à-dire le Chef de l’État et l’église catholique à travers son cardinal ainsi que l’épiscopat congolais », a indiqué Mgr Fridolin Ambongo, successeur de Laurent Monsengwo. L’archevêque de Kinshasa a par la suite confié : « je place mon cardinalat sous le signe de rassemblement et de réconciliation de toutes les filles et tous les fils de la RD Congo ». Faisant table rase du passé, il a prévenu : « tant que le peuple congolais souffrira comme il souffle aujourd’hui, la Conférence épiscopale nationale du Congo ne l’abandonnera pas ».
Au micro de Radio Vatican, Félix Tshisekedi est revenu sur sa vie de foi, ses relations avec l’église catholique, son rêve en termes de vision politique qu’il a pour son pays.
Sur sa vie de foi
« J’ai été baptisé à l’âge de deux ans, je suis membre des familles très proches de l’église qui ont des vœux. J’ai un oncle paternel évêque. Du côté maternel, il y a eu deux religieuses. De deux côtés, paternel et maternel, mes grands-parents étaient très pieux, très catholiques. Même si plus tard, j’ai pris d’autres options qui sont miennes. Mais, cela ne veut rien dire parce que je suis très proche de l’église catholique et j’y vais parfois, je prie comme catholique. Donc, pour moi, ce qui compte, c’est la relation avec Dieu. Car, je suis catholique et évangéliste à la fois ».
Sur ses relations avec l’église catholique
« Il n’y a aucune ombre. Et moi, je dis clairement que s’il y a eu maille avec l’église catholique c’est à cause de la manipulation, et j’ai été victime de la manipulation, de la manipulation politicienne. Et ça arrive partout où il y a des politiciens, et il ne faut jamais exclure de telles choses.
Mais pour moi, m’en prendre à l’église catholique, ça aurait été ingrat de ma part. Cette église a un parcours que l’on connait. Déjà, à l’époque du Cardinal Malula qui s’opposait aux méfaits du régime d’antan, l’église a toujours marché près du peuple et pour les intérêts du peuple. C’est vrai que par moment, on a eu des incompréhensions. Mais, dans l’ensemble, la mission de l’église catholique est à louer, féliciter. J’entends d’ailleurs raffermir davantage les relations entre l’Etat et l’église, chacun évidemment dans son domaine d’action. Je crois que dans un pays comme le nôtre où j’ai lancé un appel au redressement, à la conscience, à la lutte pour le changement des mentalités, lutte contre la corruption, lutte contre la pauvreté, l’église peut être un partenaire très important. Donc, pour nous, il n’est pas question de regarder l’église comme adversaire mais plutôt un allié. C’est ça que je vais envoyer somme signal ».
Sa vision politique
« Je suis venu non seulement pour honorer l’archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo, mais également pour envoyer un message fort à mon peuple. Celui de fierté d’être Congolais et de dignité pour ce peuple meurtri et découragé qui n’avait plus d’espoir pour l’avenir.
Le Congo, mon pays, mérite la place de leader en Afrique, même dans le monde aujourd’hui. Nous avons des atouts, enjeux mondiaux, et nous ne les utilisons pas. Mon rêve, c’est celui-là, faire de mon pays un des moteurs de l’Afrique. J’ai beaucoup d’ambitions pour l’Afrique. Il faut que l’Afrique se développe.
L’Afrique, c’est l’avenir de ce monde. Donc, elle se doit de le démontrer. Nous avons beaucoup de force, et personne ne peut nous égaler à ce niveau : nous avons une jeunesse créative, innovante, dynamique, ingénieuse, etc. Nous devons tout simplement la mettre dans de bonnes conditions et vous allez voir que l’Afrique va étonner. C’est ça mon rêve ».
Après le rêve, la réalité
Félix Tshisekedi est sûrement vite sorti de son rêve lorsque, quelques jours seulement après le consistoire du Vatican, le nouveau cardinal Fridolin Ambongo a donné une conférence de presse à Kinshasa.
« Le peuple s’est exprimé pour le changement. Dix mois après, est-ce que ce souhait du peuple a été respecté? Ce souhait reste intact : la misère du peuple, la souffrance du peuple continuent », a rappelé le cardinal. Saluant les réformes mises en route par le président, il lui demande un peu plus. « Nous voulons une vraie gratuité qui ne va pas fragiliser le système éducatif tel que ça existe maintenant. Il faut une revalorisation du salaire des enseignants au-delà de 120.000 francs congolais par mois », a-t-il ajouté. Dans sa ligne de mire, il a aussi placé Martin Fayulu seul à continuer de revendiquer la victoire à la dernière présidentielle, lorsqu’il lâche : « nous avions dénoncé le mensonge spectaculaire des résultats des élections du 30 décembre 2018. Mais l’histoire évolue. Nous n’allons pas rester accrochés à la vérité des urnes. Nous devons évoluer ».
Jusque-là muet, le président Félix Tshisekedi considère sans doute avoir déjà répondu depuis le Vatican à tous ceux qui voient en l’exercice du pouvoir une tâche facile. « Ce n’est pas facile d’être président de la République, ça vous pouvez me croire. En arrivant au pouvoir, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait beaucoup de choses qu’on ne savait pas comme opposant. Evidemment, il y a des situations qui créent de l’incompréhension avec ceux qui sont au pouvoir, parce qu’on les soupçonne en nourrissant des préjugés », avait-il dévoilé.