Pour Sophocle, « Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre ». Considérant le séisme de forte ampleur subi par les fondements de la démocratie américaine, provoqué par le président en exercice, il y a lieu de se demander si les dieux n’ont pas d’abord rendu sourd et aveugle Donald Trump qu’ils veulent actuellement perdre. Car enfin, personne ne pouvait raisonnablement penser que le 45e président des Etats-Unis aurait lui-même appelé ses partisans à s’en prendre aux fondements de la démocratie américaine. Et pourtant, depuis quatre ans, le monde entier est témoin de la radicalisation du discours de Donald Trump. Dans la mi-journée, il a invité ses partisans à marcher sur le Capitole pour revendiquer une « victoire volée ». « Si Mike Pence fait la bonne chose, nous gagnons l’élection. S’il ne le fait pas, ce sera une triste journée pour notre pays », lança-t-il pour haranguer ses partisans venus en nombre à Washington.
Prenant son contre-pied, le vice-président Mike Pence a annoncé dans un communiqué qu’il respectera la Constitution en certifiant la victoire à la présidentielle de Joe Biden. La suite est connue. La situation a tourné à l’insurrection. Des hordes de manifestants pro-Trump ont forcé les barrières de la police et sont entrées dans le Capitole. Sous les dernières cartouches du président Donald Trump aux abois, quatre personnes tombent. En cette sombre journée, les Républicains perdent la présidence, le Sénat, la Chambre des représentants, et l’honneur. La citadelle de la liberté américaine, le temple séculaire de cette vieille démocratie était-il donc à ce point vulnérable ?
La séance du Congrès a été interrompue. La maire de Washington a décrété un couvre-feu dès 18 heures. Mike Pence, qui, de tout temps, a soutenu Donald Trump l’a finalement empêché de porter l’estocade finale. C’est lui qui a déclenché la mobilisation de plus de 1 100 membres de la garde nationale. Près de 6 heures après l’assaut contre le Capitole, le vote de confirmation du président élu Joe Biden a repris dans la nuit. « Nous condamnons la violence de ce jour dans les termes les plus forts possibles (…) La violence ne gagne jamais, c’est la liberté qui gagne (…) Le monde va assister à la résilience et la force de notre démocratie », a martelé le vice-président Mike Pence, en inaugurant la séance de confirmation de la victoire du ticket Joe Biden-Kamala Harris.
Les condamnations nationales et internationales de l’attitude de Donald Trump ont achevé de réduire à jamais le milliardaire président au rang de « Bad loser ». Les réseaux sociaux, Facebook et Twitter, ont momentanément suspendu les comptes officiels du président américain. Se joignant à tous les anciens présidents des Etats-Unis, le président de la République française, Emmanuel Macron a rappelé que, « quand, dans une des plus vieilles démocraties du monde, des partisans d’un président sortant remettent en cause, par les armes, les résultats légitimes d’une élection, c’est une idée universelle, celle d’un homme, une voix, qui est battue en brèche ». Joe Biden qui a promis guérir l’Amérique, aura, véritablement, du pain sur la planche.