Le 28 mai 2020, la Chambre d’appel a décidé de révoquer une partie des conditions de mise en liberté imposées à ces deux hommes politiques ivoiriens toujours en attente de leur procès en appel pour crimes contre l’humanité.
La chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a rendu jeudi en fin d’après-midi, une décision qui leur permet de pouvoir quitter leur ville de résidence, Bruxelles pour Laurent Gbagbo et La Haye pour Charles Blé Goudé, sans plus avoir à remettre au greffe toutes les pièces d’identité dont ils disposent, en particulier leur passeport. Ils ne devront plus se présenter chaque semaine auprès des autorités de l’Etat d’accueil ou auprès du greffe. Ils peuvent donc désormais voyager voire même déménager dans un autre pays presque librement. Presque parce que quelques conditions persistent en attendant le procès en appel.
D’abord, il faudra que l’Etat dans lequel ils pourraient souhaiter se rendre compte parmi les Etats membres de la Cour, c’est aujourd’hui 123 pays parmi lesquels la Côte d’Ivoire. Par cette décision, la CPI conserve une forme de contrôle judiciaire sur les deux Ivoiriens puisque les 123 Etats parties ont l’obligation de coopérer et donc d’exécuter toute ordonnance qu’elle pourrait encore prendre tant que le dossier n’est pas définitivement clos. La seconde condition est qu’ils ne pourront pas prendre la décision de partir sans en avoir au préalable informé le greffe de la Cour qui devra s’assurer que l’Etat demandé accepte de les accueillir, le même greffe devra aussi leur remettre leurs passeports qui avaient été saisi lors de leur arrestation fin 2011 pour Laurent Gbagbo et en 2014 pour Charles Blé Goudé. Des passeports qui seraient d’ailleurs plus valables, aujourd’hui, mais la remise de leurs papiers fait partie de la décision prise par les juges.
Autre condition, et pas des moindres. Ils ne peuvent pas s’exprimer publiquement au sujet de l’affaire qui est toujours en cours devant la CPI, et ils devront surtout se présenter à toute convocation des juges et notamment aux audiences de la procédure d’appel. Pour rappel en janvier 2019 Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été acquittés des crimes contre l’humanité dont ils étaient accusés pour les violences de l’hiver 2010-2011, et Fatou Bensouda, la procureure, avait fait appel de cette acquittement.
La procédure d’appel
Initialement prévues en mai, les audiences ont été reportées en raison de la pandémie du COVID-19. Un nouveau calendrier prévoit des audiences du 10 au 12 juin. Un agenda qui toutefois reste à confirmer, car les juges ne savent pas comment conduire le débat, si cela doit se dérouler dans la salle d’audience comme d’habitude ou par vidéo en raison de la pandémie.
Suite à ces audiences, les juges commenceront un délibéré qui pourrait encore durer plusieurs mois et c’est ce qui explique aussi les raisons pour lesquelles les juges ont pris la décision de lever une partie des mesures imposées. Après plusieurs mois d’hésitation Fatou Bensouda propose aux juges deux solutions : soit d’annuler l’acquittement et de refaire le procès, soit que les juges prononcent un non-lieu à la place de l’acquittement. Ce n’est pas qu’un détail judiciaire puisque si c’est un acquittement qui est finalement décidé, le dossier sera définitivement fermé. Si c’est un non-lieu qui est finalement décidé Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pourront être poursuivis pour les mêmes faits n’importe où dans le monde.
Ils peuvent rentrer en Côte d’Ivoire
Pour leurs partisans, les deux hommes sont présentés comme pièces manquantes du puzzle d’une véritable réconciliation à la veille d’une élection présidentielle très attendue. Pour le camp du pouvoir, la justice ivoirienne fera son travail et rien que son travail. La justice ivoirienne attend de pied ferme les deux hommes politiques pour deux affaires dans lesquelles ils ont chacun été condamnés par contumace à vingt ans de prison. Celle dite du « braquage de la Banque BCEAO » pour Laurent Gbagbo, et une condamnation pour actes de torture, homicides volontaires et viol pour Charles Blé Goudé.