Aux États-Unis, comme ailleurs dans le monde, la ruée vers un vaccin contre le Covid-19 se poursuit. À Washington, cette mission a été confiée au docteur Moncef Slaoui, immunologiste belgo-marocain, nommé par le président américain.
Face aux journalistes, Donald Trump ne tarit pas d’éloges sur Moncef Slaoui, qu’il a nommé à la tête de l’équipe chargée de trouver un vaccin contre le Covid-19 d’ici la fin de l’année. Une mission ambitieuse, mais réaliste, selon Moncef Slaoui : « Monsieur le Président, j’ai récemment vu les premiers résultats d’une étude clinique sur un vaccin. Grâce à ces données, je suis encore plus confiant dans le fait qu’on pourra délivrer quelques millions de doses de vaccins d’ici fin 2020 ».
Inconnu du grand public, le docteur Slaoui bénéficie d’une réputation solide dans le domaine de la vaccination. Né à Agadir, au Maroc, il fait ses études à Bruxelles en immunologie et biologie moléculaire. D’abord enseignant en Belgique, il rejoint de grands groupes pharmaceutiques et devient même numéro 2 de l’un d’eux. En 2016, le magazine Fortune le classe parmi les 50 personnalités qui changent le monde. Moncef Slaoui a notamment participé au développement de vaccins contre la gastro-entérite infantile et le cancer du col de l’utérus.
À 60 ans, il vit aujourd’hui entre les États-Unis et Londres. Il faisait partie, jusqu’à il y a quelques jours, de la direction d’un groupe de biotechnologies qui travaillait déjà sur un vaccin contre le coronavirus. S’il reconnaît que sa mission n’est pas simple, Moncef Slaoui assure qu’il n’aurait jamais accepté s’il n’était pas sûr de réussir.
Le Président Trump, avocat défenseur de la chloroquine
Donald Trump a révélé lundi dernier qu’il prenait tous les jours de l’hydroxychloroquine, un médicament contre le paludisme dont l’efficacité contre le coronavirus n’a pas été démontré à ce stade. «J’en prends depuis dix jours (…) je prends un comprimé par jour», a déclaré le président américain à la stupéfaction générale, lors d’un échange avec les journalistes à la Maison Blanche. «J’entends beaucoup de choses extraordinairement positives» sur ce médicament, a-t-il justifié. «Vous connaissez l’expression: qu’est-ce que vous avez à perdre?»
Preuve qu’il était content de l’effet produit sur son audience, l’ancien homme d’affaires de New York s’est amusé de son annonce devant les journalistes. «J’attendais de voir vos yeux s’illuminer quand j’ai dit ça… Oui, j’en prends depuis une semaine et demie et je suis toujours là!».
Fin avril, les autorités sanitaires américaines ont pourtant mis en garde contre l’utilisation, en dehors d’essais cliniques supervisés, de cet antipaludéen pour prévenir une infection au nouveau coronavirus ou la traiter. L’Agence américaine des médicaments (FDA) en a déconseillé l’usage «en dehors d’un milieu hospitalier ou d’essais cliniques, en raison du risque de troubles du rythme cardiaque».
Depuis plusieurs mois, le locataire de la Maison Blanche se montre très enthousiaste sur les possibles effets de ce médicament pour lutter contre le nouveau coronavirus. «C’est très excitant. Je pense que cela pourrait changer la donne. Ou peut-être pas. Mais d’après ce que j’ai vu, cela pourrait changer la donne», déclarait-il mi-mars. Devant les journalistes, Trump a longuement expliqué lundi son choix d’utiliser ce médicament à titre préventif. «Vous seriez surpris de découvrir combien de personnes en prennent, en particulier celles qui sont en première ligne. Avant de l’attraper (le virus)», a-t-il expliqué.
«Cela ne va pas me faire de mal», a-t-il assuré. «C’est utilisé depuis 40 ans pour le paludisme (…) Beaucoup de médecins en prennent.» Le locataire de la Maison Blanche a par ailleurs affirmé qu’il n’avait «aucun symptôme» du Covid-19. Il a précisé qu’il était testé très régulièrement et que tous ses tests jusqu’ici avaient été négatifs. Plusieurs de ses conseillers ont toutefois été testés positifs récemment, de même que ceux de l’entourage de son vice-président, Mike Pence. Pour cette raison les deux hommes limitent leurs contacts au strict minimum.
Plus de 90.000 morts aux États-Unis
Le président de la première puissance mondiale a souligné que la prise d’hydroxychloroquine relevait d’une initiative personnelle, mais qu’il avait obtenu le feu vert du médecin de la Maison Blanche. «Je lui ai dit : «Vous en pensez quoi?». Il m’a répondu : «Si vous le souhaitez». J’ai dit : «Oui, ça me plairait.» Dans la soirée, l’intéressé, Sean Conley, a confirmé qu’après de «nombreuses discussions» avec le milliardaire républicain, il avait été conclu que «les avantages potentiels de ce traitement l’emport (aient) sur les risques relatifs». Sans confirmer pour autant que Donald Trump prenait bien ledit médicament, ni même reconnaître le lui avoir prescrit.
Pour le docteur Matthew Heinz en revanche, qui a travaillé sur la réponse à Ebola dans l’administration Obama, il est, face au Covid-19, «imprudent» d’encourager qui que ce soit à prendre «de l’hydroxychloroquine ou tout autre médicament dont l’efficacité n’a pas été démontrée».
Interrogée sur CNN, Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants, a estimé que ce n’était «pas une bonne idée». «Il est notre président et je préférerais qu’il ne prenne pas quelque chose qui n’a pas été approuvé par les scientifiques, particulièrement dans sa catégorie d’âge et, disons, dans sa catégorie de poids, appelée obésité morbide», a-t-elle ajouté. Chuck Schumer, chef de la minorité démocrate au Sénat, a dénoncé des déclarations «dangereuses». «Cela donne aux gens de faux espoirs (…) et peut même les mettre en danger», a-t-il déploré sur MSNBC.
La chloroquine et l’hydroxychloroquine, un dérivé de la première, sont utilisées depuis des années pour traiter le paludisme, certaines maladies auto-immunes, comme le lupus, et la polyarthrite rhumatoïde. Mais selon une étude publiée il y a dix jours dans le New England Journal of Medicine, l’administration d’hydroxychloroquine n’a pas amélioré de manière significative l’état de patients gravement malades du coronavirus.
Au moment même où le président américain faisait cette déclaration, l’université Johns Hopkins annonçait que les États-Unis avaient franchi lundi la barre des 90.000 décès liés au Covid-19. Il y a plusieurs semaines, le locataire de la Maison-Blanche avait déjà consterné le corps médical lorsqu’il avait suggéré que des injections de désinfectant dans les poumons pouvaient «mettre K.O le virus en une minute». «J’ai l’impression que le désinfectant aussi détruit le virus. Alors peut-être qu’il faudrait en injecter dans le corps, comme une sorte de nettoyage des poumons par exemple. Il faudra sûrement faire appel à des médecins pour ça, mais ça me paraît intéressant comme idée», avait-il déclaré. Une suggestion qui avait suscité un tollé en même temps qu’une ruée sur ces produits dans les rayons des supermarchés, en dépit des mises en garde des médecins.