Alors qu’il se moquait encore de la taille du masque de son adversaire, le 29 septembre à Cleveland, Donald Trump était loin de s’imaginer, trois jours plus tard, le 2 octobre, retranché dans la Maison-Blanche, forcé de considérer les risques que pose le COVID-19 et d’annuler ses meetings, laissant filer Joe Biden en tête des sondages. Faisant volte-face par rapport à son point presse de samedi, le docteur Sean Conley, a confirmé, dimanche, que Donald Trump avait bien eu besoin d’une supplémentation en oxygène vendredi, pendant environ une heure, à la Maison-Blanche, un épisode jugé suffisamment inquiétant pour décider de l’hospitalisation. « J’étais inquiet d’une progression potentiellement rapide de la maladie, j’ai recommandé au président une supplémentation en oxygène », a dit Sean Conley, qui affirme que Donald Trump n’était toutefois pas essoufflé. Depuis lors, tout est mis en œuvre pour remettre en selle le candidat des Républicains à présidentielle du 3 novembre 2020.
Depuis l’hôpital militaire de Walter Reed près de Washington, le patient Donald Trump est impatient de redevenir le candidat Donald Tromp. Malgré son hospitalisation, et à la surprise générale, un convoi de véhicules noirs est apparu devant les grilles de l’hôpital dimanche en début de soirée, et Donald Trump, masqué, a salué à travers la vitre ses nombreux sympathisants, qui y étaient installés tout le week-end. Mais cette initiative a suscité de vives critiques, en particulier liées au risque pour les agents du Secret Service l’accompagnant. « Il faut que chaque personne présente dans le véhicule pendant cette sortie présidentielle complètement inutile soit mise en quarantaine pendant 14 jours », a affirmé James Phillips, du département de médecine de l’université George-Washington. « Ils peuvent tomber malades. Ils peuvent mourir. Pour le théâtre politique. Commandés par Trump pour mettre leur vie en danger pour ce théâtre. C’est de la folie », a-t-il conclu.
Le porte-parole de la présidence a assuré que les précautions « appropriées » avaient été prises pour protéger Donald Trump et son entourage, notamment des équipements de protection. « La sortie a été validée par l’équipe médicale comme sûre », a ajouté Judd Deere. Peu après cette sortie, la Maison-Blanche a fait savoir que le président était revenu à l’hôpital. « J’ai beaucoup appris sur le COVID-19, je l’ai appris en faisant l’expérience moi-même, c’est l’école de la vie », a-t-il aussi déclaré dans un message vidéo posté sur Twitter, remerciant ses médecins et les « grands patriotes » qui veillent sur lui dehors. Si l’optimisme dominant dans l’entourage du président américain fait croire qu’il pourrait regagner la Maison-Blanche dès le 5 octobre, la question de son traitement provoque quelques réserves.
Donald Trump, 74 ans et quelques 110 kilos sur la balance, est statistiquement dans la population à risque face au COVID-19. Il a reçu un traitement expérimental de la société Regeneron, en plus de plusieurs autres médicaments. Ce traitement, nommé REGN-COV2, est une combinaison de deux anticorps monoclonaux. Dans un communiqué, la Maison-Blanche a indiqué que Trump avait reçu « une dose unique de 8 grammes » du traitement biotechnologique, soit la dose maximale. Ce traitement, encore en cours d’essais cliniques à grande échelle, dits de phase 3, est disponible pour un « usage compassionnel », c’est-à-dire en cas d’urgence, pour des malades en impasse thérapeutique, après une approbation de la Food and Drug and Administration (FDA) sur une base individuelle. Dans le cas de Donald Trump, le cocktail d’anticorps a été administré « à titre préventif », a indiqué son médecin, Sean Conley. Le système immunitaire met à peu près une semaine pour produire les anticorps contre le Sars-Cov 2. En administrant des anticorps prêts à l’emploi, l’idée des laboratoires comme Regeneron est de donner une avance dans la lutte contre le virus aux personnes venant d’être contaminées. En plus du traitement expérimental de Regeneron, le président américain a été traité, dès vendredi, avec l’antiviral remdesivir, un protocole de soins par intraveineuse devant durer cinq jours. « Notre espoir est de le faire sortir de l’hôpital dès demain et qu’il poursuive ses traitements depuis la Maison-Blanche», a déclaré dimanche l’un des médecins de l’équipe, le Dr Brian Garibaldi. Si Sean Conley a refusé de décrire l’état des poumons de Donald Trump, la question des séquelles se posant pour une charge aussi lourde que la présidence des Etats-Unis, préférant dire, « nous avons fait des observations attendues, mais rien de majeur d’un point de vue clinique », l’infection du président dévoile d’énormes négligences.
La polémique enfle aussi bien sur les précautions ou l’absence de précautions prises par la Maison-Blanche et la famille Trump contre le coronavirus, que sur la décision de laisser le vice-président Mike Pence continuer à faire campagne pour l’élection du 3 novembre 2020, alors qu’il prendrait l’intérim en cas d’incapacité de Donald Trump. La politique de prévention de l’exécutif s’est entièrement fondée sur les tests, erreur dénoncée par les experts depuis des mois et qui semble avoir fait de la Maison-Blanche un foyer de contaminations. « On ne peut pas dire d’un côté qu’il faut agir, et de l’autre laisser le virus circuler librement. Il a fini par circuler librement à la Maison-Blanche », a regretté Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants. Le 26 septembre, des dizaines d’élus et de personnalités républicaines se sont pressés dans les jardins et les salons intérieurs de la présidence pour la nomination de la juge Amy Coney Barrett à un siège de la Cour suprême. Les caméras ont filmé quantité de mains serrées et d’embrassades, la plupart des invités omettant le port du masque, pratique manifestement érigée chez les républicains comme une marque de loyauté. Résultat : la liste des proches de Donald Trump infectés s’allonge: son épouse Melania, sa conseillère Hope Hicks, son directeur de campagne Bill Stepien, trois sénateurs républicains, l’ancienne conseillère Kellyanne Conway, l’actuel conseiller Chris Christie… Sans compter trois journalistes accrédités.
Quant à la campagne, un sondage réalisé après le débat présidentiel du 29 septembre, paru le 4 octobre, rapporte une considérable progression des intentions de vote pour le candidat démocrate Joe Biden : 53% contre 39%, selon cette enquête NBC/Wall Street Journal. L’équipe Biden se retrouve confortée dans sa décision de conduire une campagne limitée, à forte composante virtuelle, et de respecter scrupuleusement les gestes barrières. Quant au deuxième débat télévisé entre les deux hommes, prévu le 15 octobre, le camp Biden confirme que Joe Biden, jusqu’à présent testé négatif au COVID-19, y sera.
En attendant sa sortie d’hôpital, le président américain a reçu une pluie de messages réconfortants. « Je suis convaincu que votre vitalité naturelle, votre vigueur d’âme et votre optimisme vous aideront à vaincre ce dangereux virus», a déclaré le président Vladimir Poutine dans un télégramme à Donald Trump, selon un communiqué du Kremlin. Le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus, dont l’organisation a été accusée par le président américain d’incompétence dans sa gestion de la pandémie, a également tweeté ses « meilleurs vœux de complet et prompt rétablissement » au couple présidentiel. Un peu plus tôt, Barack Obama a lui aussi adressé ses « meilleurs vœux » de rétablissement à son successeur. « Bien que nous soyons au milieu d’un grand combat politique, et nous prenons cela très au sérieux, nous voulons aussi adresser nos meilleurs vœux au président des Etats-Unis et à la Première dame », a déclaré l’ex-président américain, en parlant aussi au nom de son épouse Michelle.