Laurent Gbagbo a levé les deux pouces après l’énoncé de la décision du président de la chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI). Trois juges sur les cinq que compte l’instance ont confirmé la décision de première instance. « La chambre d’appel estime, à la majorité, que le procureur n’a pas réussi à démontrer que la chambre préliminaire avait fait des erreurs de droit ou des erreurs de procédure », a tranché Chile Eboe-Osuji, le président de la chambre d’appel. Laurent Gbagbo, l’ancien président de la Côte d’Ivoire et Charles Blé Goudé, l’ex-chef des jeunes patriotes, sont désormais libres. Les deux hommes étaient accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité durant la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, qui avait fait plus de 3 000 morts.
« La chambre d’appel rejette l’appel du procureur et confirme la décision de la chambre de première instance », a déclaré le juge Chile Eboe-Osuji, au terme d’un long exposé d’une heure, durant lequel il est revenu sur les différentes étapes de la procédure. La chambre d’appel a également décidé de révoquer toutes les conditions de la mise en liberté de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, qui sont désormais libres de leurs mouvements. « Dix ans presque jour pour jour après le début de cette procédure, cette décision est la victoire de la justice mais aussi la victoire d’un homme, celle du président Laurent Gbagbo, injustement accusé et qui voit aujourd’hui son innocence pleinement reconnue. Ce 31 mars restera aussi comme une date importante pour la Côte d’Ivoire, car cette décision va dans le sens de la réconciliation nationale », s’est félicité Emmanuel Altit, l’avocat de Laurent Gbagbo.
A son arrivée à la CPI, costume-cravate sombre, lunettes de soleil sur le nez, Laurent Gbagbo, 75 ans, s’est dit confiant quant à l’issue de la procédure. « C’est la première fois que je passe par ici et non par l’entrée des prisonniers ! », a-t-il lâché. Mais après le verdict, il n’a pas souhaité réagir publiquement. Massés devant l’entrée principale de la CPI, les dizaines de partisans des deux hommes politiques ivoiriens ont laissé exploser leur joie à l’annonce de leur acquittement définitif. Le retour au bercail constitue désormais la nouvelle étape. Sur place, après sa réélection pour un troisième mandat en octobre 2020, au terme d’une élection marquée par des violences, le président Alassane Ouattara s’est montré favorable au retour de son prédécesseur. Hamed Bakayoko, l’ancien Premier ministre, de regrettée mémoire, était en charge du dossier.
Outre les restrictions imposées par la pandémie de COVID-19, la condamnation de Laurent Gbagbo par la justice ivoirienne, en janvier 2018, à vingt ans de prison dans l’affaire du braquage de l’agence nationale ivoirienne de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), constitue le principal obstacle à lever. Une amnistie pourrait être décidée par le président Alassane Ouattara engagé à intensifier les efforts pour la réconciliation en Côte d’Ivoire. La décision de la chambre d’appel constitue un revers pour la procureure Fatou Bensouda à qui l’on a toujours reproché d’avoir orienté les enquêtes sur un seul des deux camps opposés au moment des faits. Maintenant que Laurent Gbagbo est libre, qui est responsable de la mort de 3 000 personnes lors de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire ?