Des deux audiences, prévues les 6 et 7 février pour le réexamen de la liberté des deux hommes politiques, seule la première eut lieu et fut marquée par un changement de stratégie préjudiciable pour l’impartialité de la procureure de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda.
L’audience du 6 février devant le juge-président de la chambre d’appel, Chile Eboe-Osuji, a connu l’entrée en scène de l’État de Côte d’Ivoire. Ses avocats ont mis en avant deux principaux arguments : le risque de fuite et l’impact d’une libération totale des deux hommes sur l’ordre public en Côte d’Ivoire. « Nous sommes avocats d’un gouvernement qui est garant de l’ordre public en Côte d’Ivoire », a fait valoir Me Jean-Pierre Mignard, avocat de l’État ivoirien, invitant la chambre d’appel à rendre la décision « la plus sage ». « La véritable intention des avocats de l’État est de s’opposer au retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara veut empêcher tous les opposants de se présenter à l’élection. C’est pourquoi des députés sont arrêtés et jetés en prison », rétorque Me Jennifer Nouari, membre de l’équipe de défense de l’ancien président ivoirien.
Dans la défense de Laurent Gbagbo, on perçoit mal que des personnes acquittées par une décision de justice soient soumises à un régime de liberté conditionnelle. Me Dov Jacobs s’est appesanti sur le préjudice subi causé à son client. « Le passage du temps renforce et assoit de manière concrète et durable cette restriction et cette atteinte à la liberté et donc à cette injustice. La défense estime donc que sur le principe, il ne peut être imposé de restriction à la liberté d’une personne acquittée qui doit pouvoir exercer l’intégralité de ses droits », a énoncé Me Dov Jacobs.
« Nous attendons vos écritures et après quoi, nous vous ferons connaître la date de publication de l’arrêt de la chambre d’appel », a annoncé le juge-président à l’endroit des deux parties. Le changement de stratégie adoptée par l’accusation n’est pas passé inaperçu et questionne sérieusement sur la neutralité de la procureure Fatou Besouda.
La nouvelle stratégie de Fatou Bensouda
Le fait est remarquable ! Représentée par son substitut Me Gallmetzer, Fatou Bensouda change son fusil d’épaule : elle souhaite juger de nouveau Laurent Gbogbo et Charles Blé Goudé. « Madame la procureure a l’intention de poursuivre le procès, si son appel aboutit. Elle compte demander un nouveau procès devant une chambre de première instance nouvellement constituée », a annoncé son substitut. À cette requête, la procureure essuie un cinglant revers : « à ce stade, l’accusation n’a plus son mot à dire. Le jugement a déjà été rendu et a autorisé la fin du procès », a réagi la chambre d’appel. Dans son mémoire d’appel, mi-octobre 2019, la procureure demandait à la chambre d’appel de conclure à une erreur judiciaire, et n’évoquait la suite des procédures que sous des formes hypothétiques.
Ce changement de paradigme de la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), conforte le camp de ceux qui pensent qu’il n’y aurait rien de sérieux contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.
Laurent Gbagbo victime de ses convictions ?
En attendant la publication de la décision de la chambre d’appel, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé resteront sous le régime de la liberté conditionnelle en Europe. Sur le continent, les révélations de la célèbre journaliste sud-africaine Shannon Ebrahim, rédactrice en chef du groupe Independent, lèvent le voile sur l’immense manipulation ayant conduit à la mise à l’écart de Laurent Gbagbo.
Des confidences de Fatou Bensouda à M. Koyagbele Bida Pascal, candidat malheureux à la présidentielle Centrafricaine de 2015, lors d’un dîner de remise de prix aux Pays-Bas. « Je subis les pressions de la France, je ne peux rien y faire ». La procureure de la CPI a avoué le complot contre Gbagbo et accuse la France : « Il n’y a rien de sérieux contre Gbagbo, c’est juste une pression politique venant de la France et je ne peux rien faire ». Plus grave, elle a confessé : « j’ai sollicité le soutien de la France pour sa nomination comme procureur en chef de la CPI » !
L’influence de la France.
Cette puissance craint la perte de son emprise sur les économies de l’Afrique de l’Ouest. Laurent Gbagbo, pourtant venu au pouvoir par des élections démocratiques en 2000, dont la politique visait à réduire le contrôle de la France sur la Côte d’Ivoire, son ancienne colonie, est devenu l’homme à abattre pour éviter tout effet de contagion à toute la sous-région.
Laurent Gbagbo était exaspéré par les coûts très élevés des projets exécutés par les entreprises françaises. Par exemple, pour la construction d’un pont, les français demandaient 200 milliards de francs Cfa. En 2020, Gbagbo s’est détourné des Français au profit des chinois qui ne demandaient que 60 milliards de francs Cfa.
La politique de Laurent Gbagbo a été le plus grand défi qu’a connu la domination française dans cette région depuis la période post coloniale. Son incarcération à La Haye est donc une solution de dernier recours, quand tous les autres moyens pour le neutraliser ont échoué.
Le plan anti Gbagbo.
La France aurait planifié cinq coups contre Gbagbo qui ont tous échoué. Elle a finalement procédé par le bombardement de sa résidence présidentielle en utilisant les forces spéciales françaises qui ont par la suite capturé le président, sa femme et son fils. L’ancien président français Nicolas Sarkozy aurait fait pression pour que Gbagbo soit transféré à La Haye en 2011. Plusieurs éléments de preuve, collectés dans une enquête financée en grande partie par la France, retenus contre lui par l’accusation dans les audiences préliminaires ont été prouvés fabriqués donc irrecevables.