Très fatigué depuis plusieurs semaines, selon son entourage, c’est à bord d’un jet de la présidence ivoirienne que le Premier ministre Hamed Bakayoko, 55 ans, a quitté Abidjan le 18 février. Il est arrivé le même jour à Paris accompagné de Yolande Tanoh, son épouse. Testé positif au COVID-19 à deux reprises, en avril et en décembre 2020, s’agirait-il d’une rechute? L’absence de communiqué officiel sur cette évacuation sanitaire fait le lit des spéculations à Abidjan. En particulier parce que ce départ en jet vers Paris n’est pas sans rappeler celui de son prédécesseur au poste de Premier ministre, feu Amadou Gon Coulibaly, qui avait été évacué début mai 2020 vers la France pour des problèmes cardiaques, et qui s’est éteint le 8 juillet peu après son retour en Côte d’Ivoire.
Nommé Premier ministre, le 30 juillet 2020, Hamed Bakayoko n’est pas apparu en public depuis le 10 février. C’était lors d’une présentation, dans son fief à Abobo, de candidats du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) aux législatives du 6 mars 2021 auxquelles il se présente lui-même. Et lors de l’investiture de tous les candidats RHDP par le président Alassane Ouattara, le 16 février, le populaire maire d’Abobo avait aussi brillé par son absence. Il est candidat du RHDP à Séguéla, au nord-ouest. Si une source laisse croire qu’à son arrivée à Paris, Hamed Bakayoko n’était « ni alité, ni sur un brancard », à Abidjan, c’est comme un air de déjà-vu.
Le Premier ministre ivoirien se trouverait dans la même condition que feu Wattao, colonel-major ivoirien et ancien seigneur de guerre des Forces nouvelles, en novembre 2019. Ce dernier avait perdu près de 20 Kg en moins de quelques semaines avant d’être évacué, le 13 décembre, via le Maroc, pour les Etats-Unis où il rendit l’âme, le 5 janvier 2020. Si certaines sources avaient présenté un diabète de niveau 7 comme la cause de sa disparition, d’autres avaient susurré qu’il avait été empoisonné avec l’arsenic, lors d’un dîner à la résidence du grand vainqueur de la crise post-électorale de 2011. L’on se souvient qu’il en aura été l’un des acteurs majeurs. L’arsenic est un poison incolore et inodore qui déstabilise l’insuline, provoquant une dégradation accélérée de la santé de la victime. Les reins sont souvent les premiers organes touchés.
Il se susurre que Yolande Tanoh, aurait récemment déconseillé son époux de se rendre à un repas offert par le président Alassane Ouattara, car chez son mentor Hamed Bakayoko ne pouvait utiliser ses propres verres et bouteilles comme dans les fêtes et réceptions ailleurs. « Cela aurait nui à la confiance supposée régner entre les deux », lance une source. Cette faille aurait-elle été utilisée pour se débarrasser du seul homme à même de faire ombrage à Birahima Téné Ouattara alias « photocopie », le petit frère du président ? Dans le passage annoncé de témoin à la jeune génération, Birahima Téné Ouattara serait pressenti pour occuper le poste de vice-président.
Photocopie est depuis toujours l’homme des missions sensibles et secrètes. Fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat, il a toujours suivi son grand frère. Passé par la Banque atlantique de Côte d’Ivoire, il a participé à la création du Rassemblement des républicains (RDR), dont il est l’historique trésorier. Il est chargé du domaine réservé du chef de l’Etat : les services de renseignements et les questions sécuritaires notamment. Ministre des Affaires présidentielles, il occupe un bureau du bâtiment principal du palais d’Abidjan et ne répond qu’à un homme : son frère. Après avoir bataillé pour le maintien du président Alassane Ouattara au pouvoir, Hamed Bakayo serait-il parvenu au terme de sa mission ?